2.
Ces paroles sortent des entrailles d'un apôtre, elles démontrent une sollicitude paternelle. Que veut-il donc dire, et pour quelle raison appelle-t-il Dieu en témoignage ? Il s'agissait de son affection. Comme il ne les avait pas encore vus, il invoque pour témoin, non un homme, mais Celui qui pénètre les coeurs. Après leur avoir dit: Je vous aime, et leur en avoir donné pour signe ses prières continuelles et le désir d'aller les voir, comme il n'y avait rien là de manifeste, il recourt à un témoin digne de foi. Quelqu'un de nous peut-il se vanter de se souvenir de l'Eglise dans laquelle il est, lorsqu'il prie dans sa maison? Je ne le pense pas. Et Paul priait Dieu non-seulement pour une ville, mais pour tout l'univers, et cela, non pas une fois, deux fois ni trois fois, mais toujours. Si porter quelqu'un continuellement dans ses souvenirs est une preuve de grand attachement ; pensez quelle affection, quel amour il faut pour prier et prier continuellement. Quand il dit: « Que je sers en mon esprit, dans l'Evangile de son Fils », il montre tout à la fois et la grâce de Dieu et sa propre humilité : la grâce de Dieu, qui lui a confié une mission aussi importante, et son humilité en ce qu'il n'attribue rien à son zèle, mais rapporte tout à l'action du Saint-Esprit. En ajoutant ce mot « Evangile », il indique l'espèce de son ministère. Car il y a plus d'une sorte, de ministère et aussi de culte. Carde même que, chez les rois, tous, quoique subordonnés à un souverain unique, ne remplissent cependant point les mêmes fonctions, mais que l'un a mission de commander aux armées, l'autre d'administrer les villes, un troisième de veiller à la garde des trésors; ainsi, dans l'ordre spirituel, l'un sert et honore Dieu par sa foi et sa conduite (198) régulière, l'autre est chargé de donner l'hospitalité aux étrangers, un troisième du soin des pauvres: comme on le voit au temps des apôtres même, où Etienne servait Dieu dans le soin des veuves, un autre par l'enseignement de la parole. Paul, par exemple, servait par la prédication de l'Evangile, c'était son genre de ministère, celui qui lui avait été confié, c'est pourquoi il ne se contente pas d'invoquer Dieu comme témoin, mais il parle de la mission qu'il a reçue, faisant voir que , chargé d'une si haute fonction, il ne voudrait point appeler en témoignage d'un mensonge celui qui la lui a confiée. De plus, il veut aussi leur faire comprendre son amour et la nécessité où il est de se préoccuper d'eux. De peur qu'ils ne disent : Qui êtes-vous, pourquoi vous dites-vous en souci de cette grande et royale cité? Il leur prouve que ce souci est nécessaire, puisque c'est là le genre de service qui lai est assigné, la prédication de l'Evangile. En effet, celui qui est chargé de cette mission doit nécessairement avoir toujours dans l'esprit ceux qui doivent recevoir la parole.
Il indique encore autre chose par ces mots « En mon esprit » : à savoir que ce culte est bien au-dessus de celui des Grecs et de celui des Juifs : car le culte des Grecs était faux et charnel, celui des Juifs vrai, mais charnel aussi; tandis que celui de l'Eglise, opposé à celui des gentils, était bien au-dessus de celui des Juifs. En effet, il ne s'exerce plus par l'immolation des brebis, des veaux, par la fumée et la graisse des victimes, mais par l'âme spirituelle, selon la parole du Christ « Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité ». (Jean, IV, 24.) — « Dans l'Evangile de son Fils ». Plus haut il disait l'Evangile du Père, ici il dit l'Evangile du Fils: tant c'est chose indifférente de nommer le Père ou le Fils. Car il a appris de cette voix bienheureuse que ce qui est au Père appartient au Fils et que ce qui est au Fils appartient au Père. « Car », dit le Christ, « tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi ». (Jean, XVII,10.)
« Que je fais sans cesse mémoire de vous dans mes prières ». C'est là le véritable amour. Il semble ne dire qu'une chose et il en dit quatre : qu'il se souvient d'eux, qu'il s'en souvient sans cesse, et dans ses prières et pour des objets importants. « Demandant que, par la volonté de Dieu, quelque heureuse voie me soit ouverte pour aller vers vous. Car je désire vous voir (10,11) ». Voyez-vous comme il désire ardemment les voir, et comment, ne voulant rien faire que sous le bon plaisir de Dieu, son amour est mêlé de crainte? Il les aimait en effet, il était pressé d'aller à eux; mais, bien qu'il les aimât, il ne voulait les voir que quand il plairait à Dieu. Voilà le véritable amour. Il n'en est pas ainsi de nous qui nous écartons dans les deux sens des lois de la charité; car, ou nous n'aimons personne, ou quand nous aimons, ce n'est point selon la volonté de Dieu; double transgression de la loi divine. Si nos paroles sont blessantes, votre conduite l'est davantage.