5.
Comment Paul résout-il cette objection ? En faisant voir quel est l'Israël, à qui les promesses ont été faites. Une fois cette explication donnée, il devient évident que les promesses ont été toutes accomplies. C'est ce qu'il déclare quand il dit : « Tous ceux qui descendent d'Israël ne sont pas Israélites ». C'est pourquoi il ne donne pas le nom de Jacob, mais celui d'Israël, qui était le symbole de la vertu du juste, nom qui lui avait été donné d'en-haut, et était la preuve que Dieu lui était apparu. Et cependant, direz-vous, tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. Si tous ont péché, comment les uns sont-ils sauvés et les autres perdus? Parce que tous n'ont pas voulu venir. En ce qui regarde Dieu, tous ont été sauvés, puisque tous ont été appelés. Cependant ce n'est point là ce que dit l'apôtre; mais il résout la difficulté par d'autres exemples; comme plus haut il introduit une autre question, et détruit une très-grave objection par une autre objection.
En effet, quand il s'agissait de savoir comment, le Christ étant justifié, tous les hommes ont obtenu la même justification, il produit le fait d'Adam, en disant : « Si par le péché d'un seul, la mort a régné, à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce, régneront-ils dans la vie ». (Rom. V, 10.). Il ne résout point la difficulté en ce qui regarde Adam, mais il répond et il se place à son propre point de vue, et montre qu'il est bien plus raisonnable que le Christ, qui est mort pour eux, exerce sur eux librement son empire. En effet beaucoup pensent qu'il n'est guère juste que tous soient punis pour le péché d'un seul; mais que tous soient justifiés par le mérite d'un seul, voilà qui est bien plus conforme à la raison et bien plus digne de Dieu. Cependant Paul ne résout pas la première question; car plus elle est obscure, mieux le Juif est réduit au silence; son embarras se reporte sur le, fait d'Adam, et l'autre point qui regarde le Christ en devient plus clair. De même ici, l'apôtre tire sa solution d'autres objections : car c'est aux Juifs qu'il a affaire. Il ne rend donc point raison des exemples qu'il produit; il n'y est point obligé, puisqu'il combat les Juifs; mais il s'en sert pour faire ressortir l'évidence de ce qu'il affirme. Pourquoi vous étonner, leur dit-il, que, parmi les Juifs, les uns soient sauvés et que les autres ne le soient pas? Vous pouvez en voir autant chez les anciens patriarches. Pourquoi Isaac seul porte-t-il le nom de descendant, bien qu'Abraham fût aussi père d'Ismaël et de beaucoup d'autres enfants? Est-ce parce qu'Ismaël était né d'une servante ? Mais qu'est-ce que cela fait par rapport au père? Du reste je ne discute pas là-dessus; qu'on chasse Ismaël à cause de sa mère, soit; mais que dirons-nous de ceux qui sont nés de Cétura? n'étaient-ils pas libres et nés de femme libre ? Pourquoi n'ont-ils point partagé les privilèges d'Isaac? Mais pourquoi parler de ceux-là? Rébecca fut la seule femme d’Isaac; elle eut deux fils, et les eut de lui; et cependant ces deux enfants, engendrés du même- père, de la même mère, d'une même couche, ayant le même père, la même mère, et, de plus, jumeaux, n'eurent point le même sort. Ici, on ne peut pas, comme pour Ismaël, objecter que la mère était servante ; ni que l'un est né d'une mère et l'autre d'une autre, comme pour Sara et Cétura, puisqu'ils sont sortis du même sein, à la même heure. C'est pourquoi Paul, comme passant à un exemple plus évident, dit : « Non-seulement » cela est arrivé pour Isaac, « mais aussi Rébecca qui eut deux fils à la fois d'Isaac, notre père. Car avant qu'ils fussent nés ou qu'ils eussent fait ni aucun bien ni aucun mal, afin que le décret de Dieu demeurât ferme selon son élection, non à cause de leurs oeuvres, mais par la volonté de celui qui appelle, il lui fut dit : L'aîné servira sous le plus jeune, selon qu'il est écrit : J'ai aimé Jacob, et j'ai haï « Esaü (10-13) ».
Pourquoi donc l'un était-il aimé et l'autre haï? Pourquoi l'un servait-il et l'autre commandait-il? Etait-ce parce que l'un était méchant et l'autre bon ? Mais, avant qu'ils fussent nés, l'un était honoré et l'autre condamné ; avant qu'ils fussent nés, Dieu avait dit: « L'aîné servira sous le plus jeune ». Pourquoi Dieu a-t-il dit cela ? Parée qu'il n'a pas besoin, comme l'homme, d'attendre les faits pour savoir qui sera bon ou méchant, mais qu'il le sait d'avance. Et c'est là ce qui est arrivé pour les Juifs, d'une manière plus étonnante encore. A quoi bon en effet parler d'Esaü et de Jacob, dont l'un était méchant et 1'autre,bon ? Le péché était commun à tous les Israélites car tous avaient adoré le veau d'or. Et pourtant les uns obtiennent grâce, les autres non. « Car », dit le Seigneur, « j'aurai pitié de qui j'aurai pitié, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde (15) ». On en voit autant pour les punitions. Par exemple, que direz-vous de Pharaon, qui fut puni, et si sévèrement puni? Qu'il était cruel et indocile? Etait-il donc le seul? N'y en avait-il point d'autres? Comment donc a-t-il été si sévèrement puni? Et pourquoi Dieu a-t-il appelé à la place des Juifs un peuple qui n'était pas un peuple, et encore, n'a-t-il point accordé à tous le même honneur? Il est écrit : « Quand ils seraient aussi nombreux que les grains de sable de la mer, ce sont leurs restes qui seront sauvés ». (Id. X, 22.) Et pourquoi les restes seulement? Voyez-vous comme il fait surgir les difficultés du sujet? Et il a raison ; ne vous pressez pas de donner une solution, quand vous pouvez jeter votre adversaire dans l'embarras. S'il est lui-même convaincu d'être aussi incapable de répondre, pourquoi vous exposeriez-vous à des dangers inutiles ? Pourquoi l'enhardiriez-vous, en assumant sur vous tout le poids de la question?