5.
Car à quoi bon tant de serviteurs? De même que, pour les vêtements, c'est l'utilité seule qu'il faut considérer, ainsi que pour la table, de même pour ce qui touche, les serviteurs. , Quelle en est donc l'utilité? Utilité nulle : un seul domestique devrait suffire à un maître, ou plutôt deux et trois maîtres devraient se contenter d'un seul. Si cette manière de vivre vous semble pénible, considérez ceux qui n'en ont pas même un, et chez qui le service est plus expéditif; car Dieu a fait des serviteurs qui se suffisent à eux-mêmes pour se servir, et, qui plus est, servir le prochain. Si vous refusez de m'en croire, écoutez Paul : « Ces mains que vous voyez ont suffi à mes besoins et aux besoins de ceux qui étaient avec moi ». (Act. XX, 34.) Ainsi le docteur du monde entier, digne de résider au ciel, n'a pas rougi de se faire le serviteur d'une foule de, milliers d'hommes; et vous, si vous ne promenez pas des troupeaux d'esclaves, vous avez honte, et vous ne comprenez pas que ce sont précisément ces esclaves innombrables qui doivent vous rendre honteux? Si Dieu nous a donné des mains et des pieds, c'est pour que nous n'ayons pas besoin de serviteurs. Ce n'est pas la nécessité qui a introduit dans le monde la classe des serviteurs; s'ils eussent été nécessaires, leu même temps qu'Adam, un serviteur eût été créé : c'est la peine du péché et le châtiment dé la désobéissance. L'avènement. du Christ a réparé aussi cette inégalité de condition : « Car en Jésus-Christ, il n'y a plus ni esclave ni homme libre ». (Gal. III, 28.) Voilà ce qui prouve qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des esclaves ; que si c'est nécessaire, un serviteur suffit, ou deux, au plus: Que signifient ces essaims de domestiques? Comme des marchands de moulons, comme des trafiquants d'esclaves, on les voit aux bains, ' on les voit sur la place publique s'étaler, ces riches, avec leurs troupeaux. Eh bien, je ne veux pas traiter l'affaire en rigueur, ayez jusqu'à deux serviteurs; mais quand vous en rassemblez des bandes, ce n'est pas par. amour pour les hommes, c'est pour satisfaire votre mollesse; prouvez votre sollicitude en n'assujettissant jamais un homme à 'votre service personnel. Achetez des esclaves, instruisez-les, mettez-les en état de se suffire à eux-mêmes, affranchissez-les. Quand vous les meurtrissez de vos verges, . quand vous les chargez de fers, vous ne faites pas assurément un acte d'humanité. Je sais bien que je suis à charge à ceux qui m'écoutent, mais qu'y faire? Je suis ici pour cela, et je ne cesserai pas de répéter ces choses, avec ou sans profit.
Que signifie cet orgueil qui écarte les passants au forum ? Vous croyez-vous au milieu de bêtes sauvages, pour ,repousser ainsi les gens sur votre chemin ? Rassurez-vous, on ne veut pas vous mordre, on passe auprès de vous, voilà tout. Mais c'est pour vous une (585) insulte que tout le monde passe auprès de vous? Quel est ce délire, quelle est cette monstruosité? Uri cheval ne se croit pas injurié par un autre cheval qui vient derrière lui ; et un homme, si les autres hommes ne sont pas refoulés à plusieurs stades, se croira insulté ? Et qui signifient ces serviteurs faisant office de licteurs, ces hommes libres servant comme des esclaves, ou plutôt que prétendez-vous avec ces moeurs plus viles, plus misérables que le plus vil esclave? car il n'est pas d'esclave aussi méprisable que l'homme qui étale un tel faste. Aussi ne verront-ils pas la vraie liberté ceux qui ont asservi leur âme à cette détestable passion. Il vous faut quelque chose à repousser, à écarter loin de vous, n'écartez pas les passants, mais l'orgueil ; n'employez pas un serviteur pour cet office, remplissez-le vous-même, et pas m'est besoin d'autre fouet, que d'un fouet spirituel. Aujourd'hui c'est votre serviteur qui chasse les hommes sur votre chemin, mais votre orgueil vous chasse, vous précipite du haut du ciel d'une manière plus honteuse que votre serviteur ne fait du prochain. Descendez. de votre cheval, chassez l’orgueil par l'humilité, et vous siégerez sur un trône plus élevé, et vous vous établirez vous-même plus haut en dignité, sans avoir besoin pour cela d'un serviteur. Quand, devenu modeste, vous ferez plus près de la terre votre chemin, vous serez assis sur le char de l'humilité qui vous élèvera jusqu'au ciel, avec ses chevaux munis d'ailes rapides; si, au contraire, tombé de la voûte céleste, vous montez sur. le char de l'orgueil, votre condition n'aura rien de supérieur à celle de ces serpents qui traînent leur ventre sur la terre, vous serez -même bien plus infortuné, bien plus digne d'être plaint. C'est l'infirmité naturelle de leur corps qui les force à se traîner ainsi, mais vous, ce qui vous aura dégradé, c'est l'orgueil, c'est ce funeste mal. Car « tout ce qui s'élève sera abaissé », dit l'Evangile. (Matth. XXIII, 12.) Préservons-nous donc de cet abaissement, et pour être élevés, sachons reconnaître la vraie élévation. C'est ainsi que nous trouverons le. repos de nos âmes, selon l'oracle divin, et que-nous- obtiendrons l'honneur qui est le seul vrai et le plus élevé; puissions-nous tous entrer dans ce partage, par la grâce et par la bonté de. Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel, gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
