2.
Que si Elisée, pour cela seul, fut secondé par une si nombreuse escorte d'anges, que dut-ce être pour Paul? De là encore ce mot du prophète David : « L'ange du Seigneur environnera ceux qui le craignent » ; et encore : « Ils te soulèveront dans leurs mains, de peur que ton pied ne vienne à heurter contre les pierres ». (Ps. XXXIII, 8, et XC, 12.) Que dis-je, les anges? Le Seigneur lui-même lui faisait cortège à sa sortie. Car s'il se montrait à Abraham, comment n'aurait-il pas été avec Paul ? Ecoutez plutôt sa promesse : « Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation du siècle ». (Matth. XXVIII, 20.) Puis, après lui avoir apparu, il lui dit : « Ne crains pas , mais parle, parce que je suis avec toi, et que personne ne t'attaquera pour te maltraiter ». (Act. XVIII, 9.) En songe, encore, il lui apparaît, et lui dit: « Aie confiance; car de même que tu as témoigné sur moi, à Jérusalem, il faut aussi que tu témoignes pareillement à Rome ». (Act. XXIII, 1l.) Toujours les saints sont dignes d'admiration et riches de grâces, mais jamais autant que lorsqu'ils sont en péril pour le Christ, lorsqu'ils sont prisonniers. De même qu'un brave soldat est toujours un spectacle agréable pour ceux qui le considèrent, mais principalement quand il est à son poste et combat à côté de son roi : de même, représentez -vous quelle était la grandeur de Paul, enseignant tout chargé de fers. Dirai-je la pensée qui me vient chemin faisant? Le bienheureux martyr Babylas fut chargé de liens, et cela pour le même motif que Jean, pour avoir repris un roi pécheur. En mourant, il recommanda qu'on l'ensevelît avec ses liens et que son cadavre demeurât enchaîné dans le tombeau : encore aujourd'hui, ses entraves reposent avec sa cendre. Tel était son amour pour les chaînes du Christ. « Son âme traversa le fer », dit le prophète, en parlant de Joseph. (Ps. CIV, 18.) Que dis-je? des femmes mêmes ont porté ces chaînes; mais nous, l'on ne nous enchaîne pas. Je ne vous y pousse donc point, puisque le temps ne le comporte pas : mais si vous ne liez point vos mains, liez votre coeur. Il y a des chaînes (487) d'un autre genre; ceux qui ne portent point celles des martyrs peuvent en porter d'autres. Ecoutez ce que dit le Christ : « Liez ses mains et ses pieds ». (Matth. XXII, 13.) Renonçons donc à faire l'expérience des premières chaînes, et souhaitons seulement d'être tout chargé de celles-ci. De là ces mots : « Moi, chargé de liens pour le Seigneur, je vous conjure de marcher d'une manière digne de la vocation à laquelle vous avez été appelés ». Et encore : « Nous avons pour chef le Christ » Car le Christ nous a ressuscités et fait asseoir avec lui dans les cieux, bien que nous fassions ses ennemis et lui ayons fait mille maux. — Grande et précieuse est cette vocation, non-seulement à cause de notre bassesse antérieure, mais encore à cause du rang où elle nous élève, et de la manière dont elle a eu lieu.
Mais comment marcherons-nous d'une manière digne ? Si nous marchons « en toute humilité ». Celui qui marche ainsi, marche dignement : voilà le principe de toute vertu.. Si tu es humble, et que tu songes à la manière dont a été, opéré ton salut, ce souvenir est pour toi une excitation à la vertu : tu ne songes plus à tirer vanité des chaînes, ni des choses mêmes que j'ai dites ; mais, instruit que tout vient de la grâce, tu sais rentrer en toi-même. Celui qui est humble, est capable de devenir un serviteur plein de reconnaissance et de gratitude... « Qu'as-tu, dit Paul, que tu n'aies « reçu ? » Et écoutez-le dire encore : « Plus qu'eux tous , j'ai travaillé, non pas, moi , toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi ». (I Cor. IV, 7, et XV, l0.) « Avec toute humilité », non pas seulement en paroles, ni en actions seulement, mais tout à la fois dans les démarches et dans: les discours; et pas davantage, humble vis-à-vis de hun, confiant avec l'autre : sois humble avec tous, amis ou ennemis, petits ou grands : voilà l'humilité. Jusque dans les bonnes oeuvres, sois humble ; n'est-ce pas le Christ qui nous dit : « Bienheureux les pauvres d'esprit » (Matth. V, 3), et met cela en première ligne? Voilà pourquoi Paul écrit : « Avec toute humilité, toute mansuétude, toute patience ».. En effet, on peut être humble, et tout ensemble, prompt ou emporté; alors c'est en vain car souvent la colère nous fait lotit perdre. « Nous supportant, les uns les autres en charité ». Et comment supporter autrui, si l'on est emporté et prompt à l'injure? De quelle façon maintenant? « En charité », ajoute Paul. Si vous ne supportez pas le prochain, comment Dieu vous supportera-t-il? Si vous ne savez pas supporter votre compagnon de servitude , comment le Maître pourra-t-il vous supporter? Où il y a charité, tout devient tolérable. « Appliqués à conserver l'unité d'es« prit par le lien de la paix ». Liez-vous donc les mains par la douceur. Encore ce beau nom, les liens ; nous lui avons dit adieu, et voici qu'il revient de lui-même. Ils sont beaux, les liens dont nous parlions : ceux-ci le sont de même, et les uns proviennent des autres. Unissez-vous à votre frère : une telle union fait tout supporter sans peine, grâce à la charité. Unissez-vous à lui, et lui à vous; ces deux choses sont entre vos mains : je fais mon ami de celui que je désire avoir pour ami. « Vous appliquant ». Il montre que ce n'est pas une chose toute simple, ni le fait du premier venu. « Vous appliquant à conserver l'unité d'esprit ».