2.
« Ne perdez donc pas la confiance que vous avez, qui doit être récompensée d'un grand prix (35) ». Que dites-vous, bienheureux Paul? Vous ne prononcez pas qu'ils ont perdu la confiance, et qu'ils ont à la regagner; loin de leur ôter ainsi l'espoir, vous dites qu'ils l'ont encore, qu'ils ne doivent pas la perdre; et ainsi vous les encouragez. Vous l'avez encore, dit l'apôtre. Pour acquérir de nouveau ce qu'on a perdu, il faut plus de travail; il en faut bien moins pour éviter de perdre ce qu'on possède encore. Aux Galates son langage est tout autre : « Mes petits enfants, pour lesquels je souffre des douleurs de mère, jusqu'à ce que Jésus-Christ soit formé en vous ». (Galat. IV, 19.) Il trouvait chez eux plus de paresse et de lâcheté; aussi avaient-ils besoin d'entendre des paroles plus énergiques. Les Hébreux avaient seulement le coeur faible et découragé; leur état réclamait donc un discours de guérison et d'encouragement. Ne perdez donc pas, leur dit-il, votre confiance : ils étaient donc en grande faveur auprès de Dieu. « Parce qu'elle doit être récompensée d'un grand prix ». Qu'est-ce à dire, sinon: nous la. recevrons plus tard? Si donc elle est réservée à une vie future, il ne faut pas la demander à celle-ci. Et de peur qu'on ne lui objecte : Mais nous avons tout sacrifié! — Il prévient cette difficulté de leur part en disant équivalemment : Si vous savez que le ciel vous garde des biens tout autrement précieux, ne cherchez plus rien ici-bas. Car la patience vous est nécessaire, non pas que vous deviez combattre encore plus, mais pour que vous restiez dans les mêmes combats, et que vous ne jetiez pas à vos pieds la palme que vous tenez déjà. Vous n'avez qu'un besoin donc : c'est de résister, comme vous l'avez fait jusqu'ici afin qu'arrivés au terme de la carrière, vous receviez la récompense promise.
« Car la patience vous est nécessaire, afin que faisant la volonté de Dieu, vous puissiez obtenir les biens qui vous sont promis (36) ». Votre unique et nécessaire devoir est donc de supporter le délai de Dieu, mais non pas de subir de nouvelles luttes. Déjà, leur dit-il, vous touchez à la couronne, vous avez vaillamment tout subi, combats, chaînes, afflictions ; tous vos biens ont été pillés. Que reste-t-il donc ? Désormais vous ne faites plus qu'attendre l'heure du couronnement ; vous ne supportez plus qu'une peine légère, celle du délai de votre couronne à venir. O magnifique consolation ! Il semble qu'on parle à un athlète qui a renversé et vaincu tous ses antagonistes, et qui ne voit plus se. lever aucun adversaire pour accepter la lutte; n'ayant désormais qu'à recevoir la couronne, il s'irrite du temps que le juge du combat met à venir enfin pour placer le laurier sur son front; impatient, il veut sortir de l'arène et fuir l'amphithéâtre, n'y tenant plus de chaleur et de soif. Que dit donc l'apôtre, dans une circonstance semblable ? « Encore un peu de temps, et celui qui doit venir viendra, et ne tardera pas (37) ». Pour prévenir ce cri de leur impatience: Quand donc viendra-t-il? l'apôtre les console par les saintes Ecritures. Déjà, dans un autre passage, il encourage ses disciples, en disant : « Notre salut est plus proche », parce qu'il reste peu de temps à courir. Et il ne parle pas de lui-même, mais d'après les saints Livres. Car, si déjà dans ces temps lointains, on disait : « Encore un peu de temps, et celui qui doit venir viendra, et ne tardera pas » (I Rom. XIII, 11), il est évident que le Libérateur est plus voisin encore. L'attendre donc, c'est accroître encore la récompense.
« Or, le juste vivra de la foi. Que s'il se relire, il ne plaira pas à mon coeur (38) ». Exhortation bien pressante qui leur apprend que même après avoir été jusque-là parfaits dans leur conduite, ils perdraient tout par le ralentissement. « Mais quant à nous, nous ne sommes point les enfants de la révolte, ce qui serait notre ruine; mais nous demeurons fermes dans la foi pour le salut de nos âmes (39) ».
« Or la foi est la substance des choses que l’on doit espérer et une pleine conviction de celles qu'on ne voit point. C'est par la foi que les anciens Pères ont reçu un témoignage si avantageux ». (XI, 1, 2.) Ciel ! quelle admirable exactitude d'expression! La foi est la « démonstration », dit-il, « des choses qui ne paraissent pas encore » c'est-à-dire, la conviction pleine de l'invisible. La démonstration, d'ordinaire, ne se dit que d'une (541) vérité certaine. La foi est donc une vue de vérités non manifestes encore, et l'invisible qu'elle nous révèle doit être admis avec une persuasion aussi certaine que le visible. Ce que nous voyons, il nous est impossible de ne le pas croire ; or, si l'objet de la foi qui échappe à notre oeil ne nous paraît pas aussi vrai et plus sûr même que le monde visible, nous n'avons pas la foi. Comme les choses que nous espérons paraissent n'avoir pas de corps ni de consistance, la foi donne une substance et un corps à ces objets de l'espérance; ou plutôt, elle ne leur donne pas, elle est elle-même leur essence. Prenons un exemple : La résurrection n'est pas encore arrivée ; elle n'a donc pas encore de substance, elle n'existe pas; mais l'espérance lui crée une subsistance dans notre âme, voilà ce que veut dire : « La substance des choses qu'on doit espérer ». Si donc la foi seule a la démonstration de l'invisible, pourquoi voulez-vous voir celui-ci, et vous exposer à perdre la foi, à compromettre ce principe par lequel vous êtes justes, puisque le « juste vivra de la foi? » Si vous voulez être voyants, vous cessez d'être croyants. Vous avez travaillé et combattu, je me plais à le dire ; mais, attendez! Attendre, c'est la foi; ne cherchez pas tout ici-bas.