2.
Voyez-vous comme il joint toujours, dans son langage, la nature incréée et l'incarnation? Quoi de plus clair ? Voyez-vous la différence qu'il y a entre « créé » et « engendré ? » Autrement il n'aurait pas séparé ces deux manières d'être. Autrement, en regard de ce mot : « Il a fait », il n'aurait pas placé, pour les opposer à lui, ces paroles: « Quant au Fils, il lui a dit : Votre trône, à vous qui êtes le Dieu de l'univers, sera éternel ». Il n'aurait pas; pour marquer sa prééminence, appelé le Christ du nom de Fils, si ce n'était pas là une marque de distinction. Où serait en effet la différence, où serait la prééminence, si « être créé » était la même chose qu'être engendré? Puis voici ce mot « le Dieu », 0 Theos, avec l'article. Puis il dit encore : « Seigneur, vous avez fondé la terre dès le commencement du, monde, et les cieux sont l'ouvrage de vos mains. Ils périront, mais vous demeurerez; tous vieilliront comme un vêtement, et vous les changerez comme un manteau et ils seront changés, mais vous, vous êtes toujours le même; et vos années ne finiront pas ». Et pour que ces mots: « Lorsqu'il a introduit son premier-né dans le mon« de », ne vous fassent pas croire qu'il y a eu un, don accordé au Fils dans la suite des temps; il a corrigé plus haut cette expression et il la corrige encore d'un seul mot : « Dans le principe », c'est-à-dire, non pas maintenant, mais dès l'origine du monde. C'est encore un coup mortel qu'il porte. à Paul de Samosate ainsi qu'à Arius, lorsqu'il applique au Fils les paroles qui s'appliquent au Père.
Il fait entendre en outre, comme en passant, quelque chose de plus grand encore. C'est à la transfiguration du monde qu'il fait allusion, en disant : « Ils vieilliront, comme un manteau, tu les rouleras comme un vêtement, et ils seront changés ». C'est comme dans l'épître aux Romains où il dit qu'il transformera le monde. La facilité avec laquelle cette transformation s'opérera est indiquée par le mot : « Tu rouleras ». Il changera le monde qui sera entre ses mains, comme un vêtement que l'on roule. Si, quand il s'agit de la partie la meilleure et la plus importante de la création, il la transforme avec cette facilité, a-t-il besoin, pour une oeuvre moindre, d'une main étrangère? Jusqu'à quand conserverez-vous ce front d'airain? N'est-ce pas une grande consolation de savoir que (463) le monde ne sera pas toujours le même, et qu'il subira une transformation,, un changement complet, tandis que Dieu lui-même jouit d'une existence éternelle et d'une vie sans fin ? « Vos années », dit-il, « ne s'évanouiront pas. Et quel est l'ange à qui Dieu ait jamais dit : Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que j'aie réduit vos ennemis à vous servir de marchepied ? »
Voilà en outre un encouragement pour ses auditeurs. Leurs ennemis auront le dessous; car leurs ennemis sont les mêmes que ceux du Christ. Un nouveau signe de la royauté, du partage de la dignité divine, un nouveau signe d'honneur et non de faiblesse, c'est cette colère du Père excitée par les offenses qui s'adressent au Fils. Quelle preuve d'amour et de filiation légitime : c'est bien l'attachement d'un père pour son fils véritable. Celui qui s'irrite ainsi en prenant ses intérêts, comment lui serait-il étranger? « Jusqu'à ce que j'aie réduit vos ennemis ». Cela revient à ce qui est dit dans le psaume deuxième: « Celui qui habite dans les cieux se rira d'eux, et le Seigneur les raillera amèrement. C'est alors qu'il leur parlera dans sa colère et que, dans son courroux, il les confondra ». Et ailleurs: « Ceux qui n'ont pas accepté mon règne, conduisez-les devant moi et mettez-les à « mort ». (Luc, XIX, 27.) Ce sont bien là des paroles: écoutez en effet ce qu'il dit ailleurs: « Que de fois n'ai-je pas voulu rassembler autour de moi tes enfants ! et vous ne l'avez pas voulu. Votre maison sera donc laissée à l'abandon ». (Luc, XIII, 34.) Et encore: « Le royaume vous sera enlevé, pour être donné à une nation qui le fera fructifier ». Et dans un autre endroit: « Celui qui tombera sur cette pierre, s'y brisera, et celui sur à qui elle tombera sera broyé». (Matth. XXI, 43, 44.)
D'ailleurs, celui qui là-haut doit les juger, a prononcé ici-bas contre eux un arrêt beaucoup plus sévère, pour les punir de leur cruauté envers lui. C'est donc uniquement pour faire honneur au Fils qu'ont été dites ces paroles: « Jusqu'à ce que j'aie réduit vos ennemis à vous servir de marchepied ».
«Ne sont-ils pas tous ces esprits qui le servent, envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut? » Quoi d'étonnant, dit-il, s'ils sont les ministres du Fils, puisqu'ils doivent s'employer aussi à notre salut, en qualité de ministres?. Voyez comme il relève leurs esprits, et comme il nous montre l'excès d'honneur que Dieu nous fait, en ordonnant à ses anges de s'employer pour nous. C'est comme s'il disait: En quoi consiste le ministère des anges ? A servir Dieu. pour notre salut. C'est donc une oeuvre angélique, de tout faire pour le salut de ses frères ; c'est plus encore, l'oeuvre du Christ. Mais le Christ: travaille en maître à notre salut, et les anges y travaillent, comme serviteurs. Et nous, tout esclaves que nous sommes, nous avons les anges pour compagnons d'esclavages. Pourquoi donc, nous dit-il, lever sur les anges des yeux étonnés? Ce sont les esclaves du Fils de Dieu, et bien souvent c'est pour nous qu'ils sont envoyés, et c'est pour notre salut qu'ils exercent leur ministère; ce sont donc nos compagnons d'esclavage. Songez à cette faible différence qu'il met entre les créatures. Et pourtant elle est grande la distance qui sépare l'ange de l'homme. Mais il les rabaisse jusqu'à nous. C'est à peu près comme s'il disait: C'est pour nous qu'ils travaillent, c'est pour nous qu'ils courent de tous côtés; on pourrait presque dire qu'ils sont nos serviteurs. Etre envoyés partout, dans notre intérêt, voilà leur ministère !