9.
Jamais encore aucun nom n’a été trouvé qui pût faire connaître Dieu dans son essence même. Désespérant de pouvoir autrement le définir, les hommes l’ont désigné d’après ses attributs. Père, créateur, principe, cause des choses, de quelque manière qu’on l’appelle, toutes ces expressions n’indiquent que les relations de Dieu avec les êtres qui lui doivent l’existence. Quand on dit de lui qu’il est roi, on le considère par rapport à ceux sur lesquels il règne, mais on ne le saisit pas dans sa nature intime. J’arrive maintenant, suivant ma promesse, aux autres noms, dont j’ai différé un instant à parler. Quelle est la qualité dont la présence, chez le roi qui la possède ici-bas, prouve le mieux qu’il est vraiment roi, et digne d’être ainsi appelé? Dieu est bon, voilà ce que partout proclame l’universalité des hommes, sages ou ignorants ; ils n’ont tous à cet égard qu’une même pensée, qu’une même voix, quoiqu’ils ne s’accordent plus dans leurs autres opinions sur Dieu, dont l’essence pure et indivisible est l’objet de leurs controverses et de leurs disputes. Mais cette bonté, que personne ne conteste, ne se déduit pas de la nature même de Dieu; elle se révèle par ses effets: car la bonté ne s’entend pas comme quelque chose d’absolu en soi; elle n’existe que par rapport à ceux sur lesquels elle s’exerce, et qui lui doivent des jouissances. Quand nous disons que Dieu est bon, cela signifie qu’il est l’auteur de tous les biens. Les prières sacrées que nos pères nous ont appris à envoyer, dans les augustes cérémonies, à celui qui gouverne le monde, ne célèbrent pas son pouvoir; elles sont un hommage à sa providence. Tout ce qu’il y a d’excellent, c’est Dieu qui le donne, la vie, l’être, l’âme, et tous les biens assez estimables pour être regardés comme émanant du principe suprême. Pour toi, reste à la hauteur du rang élevé où tu es placé; montre-toi digne de ce nom de roi que tu portes, ainsi que Dieu; imite ce souverain maître en comblant de bienfaits toutes les villes, en répandant autant de bonheur que tu le peux sur chacun de tes sujets: alors nous pourrons en toute vérité t’appeler grand roi; ce titre, nous te le donnerons, non pour t’honorer suivant l’usage, ni pour capter ta faveur, ni pour conjurer ta colère, mais pour déclarer notre intime conviction, et notre langue ne sera que l’interprète exact de notre pensée. Écoute: pour te montrer ce que c’est qu’un roi, je vais en faire devant toi la statue; ce sera à toi d’animer ensuite cette statue, et de lui donner la vie. Pour exécuter cette œuvre, je m’aiderai, autant qu’il le faut, des idées qu’ont exprimées d’illustres anciens; et qu’elles n’aient pas à tes yeux moins de valeur que les autres; au contraire. Les qualités qu’il faut surtout rechercher, et qui, sans contestation, conviennent le mieux à un roi, sont celles que recommandent également les sages des temps passés et du temps présent.