1.
Faudra-t-il, à moins d’être envoyé par une riche et puissante cité, et d’apporter de lâches et flatteurs discours, serviles produits d’une rhétorique et d’une poétique serviles, faudra-t-il, en entrant ici, baisser les yeux? Sera-t-on condamné à ne point ouvrir la bouche dans ce palais, si l’on n’est protégé par l’illustration de sa patrie, si l’on ne sait, par les grâces de son langage et les adulations ordinaires, charmer les oreilles de l’Empereur et de ses conseillers? Voici la Philosophie qui se présente : ne la recevrez-vous pas volontiers? Quand elle reparaît après une longue absence, qui pourrait se refuser à la reconnaître, à lui faire obtenir ici l’accueil hospitalier qu’elle mérite? Si elle réclame cette faveur, ce n’est pas pour elle, mais pour vous; car vous ne pourriez la dédaigner sans nuire à vous-mêmes. Dans le discours qu’elle va vous tenir, rien ne sera donné au désir de plaire; elle ne cherchera point à séduire de jeunes cœurs par des impressions vaines et passagères, par l’étalage des ornements d’une fausse éloquence; mais au contraire, à ceux qui sauront la comprendre, grave et comme inspirée par les dieux, elle fera entendre un langage digne et viril, et dédaignera de capter par de basses flatteries la faveur des grands. Dans son austère franchise, étrangère au palais des rois, elle n’ira point prodiguer au hasard et sur toutes choses des louanges à la cour impériale et à l’Empereur; mais cela ne lui suffit point; elle blessera s’il le faut; elle veut, non pas seulement froisser un peu les esprits, mais les heurter avec force, pour les redresser en les choquant.