32.
Arrivé au terme de mon discours, qu’il me soit permis d’exprimer un vœu pour la Philosophie que j’aime. Puisses-tu, ô Roi, ressentir un vif amour pour elle et pour ses généreux enseignements, et que cet amour soit partagé par ceux dont je parlais tout à l’heure, et que tu emploies dans les fonctions publiques. A voir comme on néglige aujourd’hui ces nobles études, n’est-il pas à redouter qu’on les laisse s’éteindre, sans conserver même une étincelle qui serve plus tard à les rallumer? Est-ce dans l’intérêt de la Philosophie elle-même que je forme ce souhait? A-t-elle besoin, pour ne pas souffrir, que les hommes lui fassent accueil? C’est auprès de Dieu qu’elle réside; même lorsqu’elle est ici-bas, c’est surtout de Dieu qu’elle s’occupe encore; et si, quand elle descend sur la terre, on ne s’empresse pas de la recevoir, elle retourne auprès de son père, et peut alors nous dire en toute vérité
………………... Cet honneur, qui m’est cher,
Je l’attends, non de vous, mais du seul Jupiter.1
La Philosophie, selon qu’elle est présente ou absente, influe en bien ou en mal sur les choses humaines; c’est par là que s’expliquent les prospérités et les revers. C’est donc pour l’Etat, et non pour la Philosophie, que je forme des vœux. Je fais les mêmes souhaits que Platon;2 mais puissé-je, plus heureux que lui, les voir exaucés! Oui, puissé-je te voir associer la Philosophie à la royauté, et désormais personne ne m’entendra plus disserter sur les devoirs de la royauté! Mais il est temps de me taire; car ce précepte, sois philosophe, résume tout ce que j’ai dit. Si tu le deviens, j’ai accompli l’œuvre que je me proposais en commençant. Je voulais que mon discours mît sous tes yeux la statue du roi; mais le discours n’est que l’ombre de la réalité; et je te demandais de me faire voir à ton tour cette statue animée et agissante. Je la verrai bientôt; tu nous montreras dans ta personne un roi véritable; car mes paroles n’auront pas en vain frappé tes oreilles; elles vont pénétrer, elles vont se graver dans ton cœur. Si la Philosophie est venue te faire entendre ses conseils, c’est qu’elle était sans doute poussée par Dieu qui veut, nous pouvons aisément le croire, te donner un règne glorieux. Et moi, c’est à juste titre que je jouirai le premier des heureux fruits de mes leçons, quand je trouverai vivantes en toi les royales qualités que j’ai retracées, le jour où je viendrai t’entretenir des demandes que nos cités t’adressent.