§ 1.
Venons-en maintenant, si tu veux bien, à célébrer cette Vie bonne et perpétuelle comme Sage, comme Sagesse en soi, ou plutôt comme Substance de toute sagesse, transcendante à toute sagesse et dépassant toute saisie. Car non seulement Dieu déborde de sagesse et « de sa saisie il n'est point de nombre (Ps., CXLVI, 5) », mais il transcende encore toute rai son, toute intelligence, toute sagesse. Et c'est ce qu'avait merveilleusement compris cet homme vrai ment divin, commun soleil de notre maître et de nous-même, lorsqu'il dit : « La folie de Dieu est plus sage que la sagesse humaine (I Cor., 1, 25) » non seulement parce que toute argumentation humaine est vacillante au regard de la stabilité et de la permanence des intellections divines et absolument parfaites, mais aussi parce que c'est l'usage des théologiens de retourner en les niant tous les termes positifs pour les appliquer à Dieu sous leur aspect négatif. C'est ainsi que l'Ecriture traite d'invisible la Lumière toute brillante et ce qui se peut louer et nommer de multiples façons, elle l'appelle indicible et sans nom. Ce qui est partout présent et qu'on peut découvrir à partir de toute réalité, elle le nomme insaisissable et indépistable. C'est en vertu du même procédé que l'Apôtre loue selon les textes la folie divine en partant de ce qui apparaît en elle paradoxe et absurdité pour s'élever ainsi jusqu'à l'indicible Vérité qui dépasse toute raison.
Mais, comme je l'ai dit ailleurs, recevant à notre façon les mystères divins, enclos comme nous le sommes dans le cercle familier des réalités sensibles, ra menant les mystères divins à la norme humaine, nous nous égarons quand nous rapetissons à la me sure des apparences la divine et secrète raison, et pourtant nous ne devrions pas perdre de vue que si notre intelligence possède une puissance intellective qui lui permet d'apercevoir les intelligibles, l'union par quoi elle atteint aux réalités qui sont situées au delà d'elle-même dépasse la nature de l'intelligence.
C'est cette union seule qui nous ouvre l'intellection des mystères divins, non pas selon nos modes humains, mois en sortant tout entiers de nous-mêmes pour appartenir tout entiers à Dieu, car il vaut mieux appartenir à Dieu et se dépouiller de soi- même, et c'est ainsi que les dons divins seront offerts à cette qui seront entrés en communion avec Dieu.
Célébrant ainsi dans sa transcendante la Sagesse irrationnelle, inintelligible, insensée, disons qu'elle est Cause de toute intelligente, de toute raison, de toute sagesse et de toute saisie, que c'est à elle qu'appartient tout conseil, que d'elle viennent toute connaissance et toute saisie, et qu'elle recèle enfin en elle tous les trésors de sagesse et de connaissance. Conformément, en effet, à nos précédentes conclusions, elle est la Cause plus que sage et toute sage et la Substance même tant de la sagesse en soi que de la sagesse prise dans son ensemble et de chaque sagesse considérée en particulier.