Edition
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Ad Martyras
II.
[1] Cetera aeque animi impedimenta usque ad limen carceris deduxerint vos, quousque et parentes vestri. Exinde segregati estis ab ipso mundo, quanto magis a saeculo rebusque eius? Nec hoc vos consternet, quod segregati estis a mundo. Si enim recogitemus ipsum magis mundum carcerem esse, exisse vos e carcere, quam in carcerem introisse, intellegemus.
[2] Maiores tenebras habet mundus, quae hominum praecordia excaecant. Graviores catenas induit mundus, quae ipsas animas hominum constringunt. Peiores immunditias exspirat mundus, libidines hominum.
[3] Plures postremo mundus reos continet, scilicet universum hominum genus. Iudicia denique non proconsulis, sed Dei sustinet.
[4] Quo vos, benedicti, de carcere in custodiarium, si forte, translatos existimetis. Habet tenebras, sed lumen estis ipsi; habet vincula, sed vos soluti Deo estis. Triste illic exspirat, sed vos odor estis suavitatis. Iudex exspectatur, sed vos estis de iudicibus ipsis iudicaturi.
[5] Contristetur illic qui fructum saeculi suspirat. Christianus etiam extra carcerem saeculo renuntiavit, in carcere autem etiam carceri. Nihil interest, ubi sitis in saeculo, qui extra saeculum estis.
[6] Et si aliqua amisistis vitae gaudia: «negotiatio est aliquid amittere, ut maiora lucreris.» Nihil adhuc dico de praemio, ad quod Deus martyres invitat. Ipsam interim conversationem saeculi et carceris comparemus, si non plus in carcere spiritus acquirit quam caro amittit.
[7] Immo et quae iusta sunt caro non amittit per curam ecclesiae et agapen fratrum; et insuper quae semper utilia fidei, spiritus adipiscitur: non vides alienos deos, non imaginibus eorum incurris, non sollemnes nationum dies ipsa commixtione participas, non nidoribus spurcis verberaris, non clamoribus spectaculorum, atrocitate vel furore vel impudicitia celebrantium caederis; non in loca libidinum publicarum oculi tui impingunt: vacas a scandalis, a temptationibus, a recordationibus malis, iam et a persecutione.
[8] Hoc praestat carcer Christiano, quod eremus prophetis. Ipse Dominus in secessu frequentius agebat, ut liberius oraret, ut saeculo cederet. Gloriam denique suam discipulis in solitudine demonstravit. Auferamus carceris nomen, secessum vocemus.
[9] Etsi corpus includitur, etsi caro detinetur, omnia spiritui patent. Vagare spiritu, spatiare spiritu, et non stadia opaca aut porticus longas proponens tibi, sed illam viam, quae ad Deum ducit. Quotiens eam spiritu deambulaveris, totiens in carcere non eris.
[10] Nihil crus sentit in nervo, cum animus in caelo est. Totum hominem animus circumfert, et quo velit transfert. Ubi autem erit cor tuum, illic erit et thesaurus tuus. Ibi ergo sit cor nostrum, ubi volumus habere thesaurum.
Übersetzung
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Aux martyrs
II.
Quant aux souvenirs et aux embarras du monde, ils ont dû s'arrêter sur le seuil de votre prison, ainsi que vos proches eux-mêmes. Depuis ce moment vous êtes séparés du monde; ou plutôt, si vous voulez vous rappeler que le monde est une vaste prison, vous comprendrez qu'au lieu, d'entrer dans une prison, vous en êtes sortis véritablement. Le monde est mille fois plus ténébreux que vos cachots: ses ténèbres aveuglent les cœurs. Le inonde a des liens plus terribles; ses liens enchaînent les âmes. Le monde respire des miasmes plus empoisonnés; ce sont les passions des hommes. Le monde renferme plus de coupables: j'allais dire le genre humain tout entier. Là ce n'est pas le proconsul, c'est Dieu qui condamne. Concluez-en donc, bienheureux confesseurs, que vous avez échangé une prison contre un asile inviolable. Vous habitez un séjour ténébreux, mais «vous êtes la lumière.» Des liens vous enchaînent, mais vous êtes libres pour Dieu. Vous respirez un air infect, mais vous êtes vous-mêmes «un parfum de suavité.» Vous attendez la sentence du juge, mais «vous jugerez vous-mêmes les juges de la terre.» Qu'il s'abandonne aux larmes, celui qui soupire après les délices du siècle! Un Chrétien a renoncé au siècle, alors même qu'il jouissait de la liberté; jusque dans les fers, il renonce à ses fers. Qu'importé le lieu où vous êtes ici-bas, puisque vous êtes hors du siècle? Et si vous avez perdu quelques joies de la vie, bienheureux le négoce qui perd quelque chose pour gagner beaucoup!
Sans parler encore ici de la magnifique récompense à laquelle Dieu invite les martyrs, opposons la scène du monde au silence de vos cachots, et nous reconnaîtrons que l'esprit y gagne plus que la chair n'y saurait perdre. Ou, pour mieux dire, le corps n'y perd rien, puisqu'il trouve ce qui lui est nécessaire dans la vigilance de l'Eglise et les agapes des fidèles, en même temps que l'ame y trouve tous les aliments spirituels propres à nourrir la foi. Là du moins vous n'apercevez point les dieux étrangers; vous ne rencontrez point leurs images; vous ne vous trouvez point mêlés avec leurs sacrilèges adorateurs; vous n'êtes point révoltés par mille parfums impies; vous n'êtes point importunés par les clameurs insensées des spectacles, par l'aspect des scènes sanguinaires ou impudiques qui s'y passent; vos yeux ne tombent pas sur les repaires de la prostitution publique. Vous êtes à l'abri des scandales, des épreuves, des souvenirs mauvais et de la tentation elle-même. Ce que le désert donnait jadis aux prophètes, la prison le donne au Chrétien, Le Seigneur lui-même cherchait souvent la solitude pour y prier plus librement loin, du monde; c'est dans la solitude qu'il manifesta sa gloire à ses disciples. Changez le nom: votre cachot n'est plus qu'une retraite, où malgré les murs qui enferment le corps, malgré les liens qui retiennent la chair, tout est ouvert à l'esprit, qui circule librement et se répand au dehors sans le moindre obstacle, non plus sous les épais ombrages, non plus sous les longs portiques, mais à travers les avenues qui conduisent au ciel. Toutes les fois qu'on les parcourt en esprit, on n'est plus captif. Le pied sent-il le poids des chaînes quand l'âme est dans le ciel? Non; l'âme emporte avec elle l'homme tout entier, et le transporte dans une région sans limite. «Là où sera ton cœur, là aussi sera ton trésor.» Que notre cœur soit donc toujours là où nous voulons avoir notre trésor.