XXI.
---- Mais, me dira-t-on, si tu préjuges que l'universalité des êtres a été créée de rien, parce qu'il n'est pas rapporté formellement que quelque chose est sorti d'une Matière préexistante, prends garde que la partie adverse, de ce qu'il n'est pas déclaré ouvertement que quelque chose a été créé de rien, n'en prenne occasion de conclure que tout est sorti de la Matière.
---- Il est facile, je le sais, de rétorquer certains arguments; mais il ne s'ensuit pas qu'ils soient également admissibles, lorsque les motifs diffèrent. En effet, quoique l'Ecriture n'ait pas plus dit: Tout a été créé de rien, qu'elle n'a dit: Tout a été créé de la Matière, il y avait moins de nécessité pour elle de déclarer que tout avait été créé de rien, qu'il n'y en avait de nous apprendre que tout avait été créé de la Matière, si cela était véritable. Ne pas exprimer d'où est créée une chose créée de rien, c'est attester qu'elle est créée de rien. Elle ne court pas le risque que je la croie créée de quelque chose, quand on ne me montre pas de quoi elle est créée. Au contraire, une chose est-elle créée d'une autre? Si vous ne me déclarez pas formellement de quoi est créée cette même chose, dès que vous ne me montrez pas de quoi elle est créée, je vais commencer par la croire créée de rien, par là même que vous ne me montrez pas de quoi elle est créée. Ensuite fût-elle même de nature à ne pouvoir être regardée que comme créée de quelque chose, je la supposerai infailliblement encore créée de tout autre Matière que la Matière dont elle est créée, si vous ne m'exposez pas de quelle Matière elle l'a été. Conséquemment, si Dieu n'avait pu faire toutes choses de rien, quand même l'Ecriture n'aurait pas ajouté qu'il a créé toutes choses de rien, elle aurait dû déclarer absolument qu'il les avait créées de la Matière, s'il les avait réellement créées de la Matière, parce que l'un devait se comprendre, même sans avoir besoin d'être exprimé, tandis que l'autre restait toujours en doute, s'il n'était formellement énoncé.