1.
Etant encore prêtre, il m’arriva avec ceux de nos frères qui étaient à Carthage, de lire l’Epître de saint Paul aux Romains; ils m’adressaient des questions sur divers points, et comme je leur répondais autant que je le pouvais, ils désirèrent ne pas laisser perdre ce que je disais et le recueillir par écrit. J’y consentis, et il en résulta un livre qui s’ajouta à mes autres opuscules. Dans ce livre, quand je m’exprime ainsi : « Ce que dit l’Apôtre : Nous savons que la loi est spirituelle et moi je suis charnel, prouve assez qu’on ne peut accomplir la loi sans être spirituel, ce qui est un don de la grâce de Dieu; » je n’ai certainement pas voulu qu’on l’appliquât à la personne de l’Apôtre, qui était déjà spirituel; mais à l’homme soumis à la loi et non à la grâce. C’est ainsi que je comprenais ces paroles. Plus tard, ayant lu plusieurs écrivains qui traitent de la divine Ecriture, et dont l’autorité était d’un grand prix à mes yeux, j’ai examiné de plus près et j’ai vu que ces mots: « Nous savons que la loi est spirituelle et moi je suis un « homme charnel, » pouvaient s’entendre de l’Apôtre lui-même. C’est ce que j’ai montré aussi bien que je l’ai pu dans les livres que j’ai récemment composés contre les Pélagiens. Ce que j’ai dit encore dans ce livre sur ces mots «Moi je suis un homme charnel, » etc., jusqu’à : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ 1»je l’ai entendu appliquer à l’homme soumis encore à la loi et non encore à la grâce, voulant bien faire mais faisant mal, vaincu par la concupiscence de la chair 2. Cette domination de la concupiscence, rien n’en délivre, si ce n’est la grâce de Dieu, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai don du Saint-Esprit, par lequel la charité, répandue dans nos coeurs, triomphe des concupiscences de la chair de telle sorte que nous n’y consentions pas pour faire le mal, mais- que nous opérions le bien. Par là se trouve renversée l’hérésie de Pélage qui voudrait que la charité, qui nous fait vivre dans le bien et dans la piété, vienne de nous et non pas de Dieu. Mais dans les livres que j’ai publiés contre les Pélagiens, j’ai montré que ces paroles s’appliquaient mieux encore à l’homme spirituel et déjà constitué dans la grâce; et cela tant à cause de ce corps de chair, qui, n’étant pas spirituel ici-bas, le sera à la résurrection; qu’à cause de la concupiscence de la chair, avec laquelle les saints combattent, sans lui obéir pour le mal, mais en résistant à ses mouvements, dont ils ne sont pas exemptés pendant cette vie et dont ils ne seront délivrés que dans l’autre, où la mort sera absorbée par la victoire. Cette concupiscence et ses mouvements, auxquels on résiste sans qu’ils cessent d’être, permettent que toute personne sainte, constituée en grâce, puisse employer ces termes que j’ai dit être propres à un homme soumis encore à la loi et non à la grâce. Il serait long de l’expliquer et j’ai indiqué où se trouve cette explication à 3.