5.
Dans le troisième livre, après ces paroles que Pélage a empruntées à mes opuscules, ainsi que je l’ai rapporté : « Qui pèche en un acte dont on ne peut aucunement se garder? Or on pèche; donc on peut s’en garder, » j’ai ajouté immédiatement : « Toutefois, il y a certains actes commis par ignorance, qui sont blâmés et qu’on juge dignes d’être corrigés, comme nous le lisons dans les divines Ecritures. L’Apôtre dit en effet: J’ai obtenu miséricorde parce que j’ai agi dans l’ignorance 1. Et le Prophète dit aussi: Ne vous souvenez pas des fautes de ma jeunesse et de mon ignorance 2 . Il y a aussi des actes de nécessité qui sont blâmables: quand par exemple l’homme veut faire bien et qu’il ne le peut. Car que signifient ces paroles : Le bien que je veux, je ne le fais pas, et le mal que je hais, je le fais; et encore : Le vouloir réside en moi, mais accomplir le bien, je ne l’y trouve pas 3? Et ceci : La chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair; car ils sont opposés l’un à l’autre, de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez 4. Mais tout cela regarde les hommes qui naissent sous cet arrêt de mort. Car si c’était là la nature de l’homme et non son châtiment, il n’y aurait pas là de péchés. En effet si on ne s’écarte pas de l’état où on a été formé naturellement, et qu’on ne puisse être mieux, quand on agit ainsi, on fait ce qu’on doit. Si l’homme était naturellement bon, il ferait autrement; mais maintenant, puisqu’il est ainsi, il n’est pas bon et il n’est pas en son pouvoir de l’être, soit qu’il ne voie pas ce qu’il devrait être, soit qu’il le voie et qu’il ne puisse pas y arriver. C’est un châtiment: qui en doute? Or, tout châtiment, s’il est juste, est la peine du péché et s’appelle supplice. Que si la peine est injuste, comme personne ne doute que c’en soit une, elle est imposée à l’homme par une domination injuste. Mais comme ce serait une folie de douter de la justice et de la toute-puissance de Dieu, cette peine est juste, et elle a été méritée par quelque péché. Car aucune domination injuste n’a pu, pour livrer l’homme aux tortures d’un châtiment injuste, le soustraire à Dieu à son insu ou le lui arracher malgré lui et comme de force, par la terreur ou par la victoire. Il faut donc s’arrêter à croire que ce juste châtiment vient de l’arrêt qui condamne l’homme 5. » Je dis aussi en un autre endroit: « Approuver le faux, le prendre pour le vrai, se tromper malgré soi, et devant les résistances douloureuses des liens charnels, ne pouvoir s’affranchir des oeuvres de la passion , ce n’est pas la nature originelle de l’homme, c’est la peine de sa condamnation. Mais lorsque nous parlons de la libre volonté de faire le bien, nous entendons parler de celle dans laquelle l’homme a été créé 6. »