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Confessiones (PL)
CAPUT XX. Ut beatitudinem omnes appetant, oportet eam noverint.
29. Quomodo ergo te quaero, Domine? Cum enim te Deum meum quaero, vitam beatam quaero. Quaeram te ut vivat anima mea. Vivit enim corpus meum de anima mea, et vivit anima mea de te. Quomodo [Col. 0792] ergo quaero vitam beatam? quia non est mihi donec dicam: Sat est, illic ubi oportet ut dicam? quomodo eam quaero? Utrum per recordationem tanquam eam oblitus sim, oblitumque me esse adhuc teneam; an per appetitum discendi incognitam, sive quam nunquam scierim, sive quam sic oblitus fuerim ut me nec oblitum esse meminerim? Nonne ipsa est beata vita quam omnes volunt, et omnino qui nolit nemo est? Ubi noverunt eam, quod sic volunt eam? Ubi viderunt, ut amarent eam? Nimirum habemus eam nescio quomodo. Et est alius quidam modus, quo quisque cum habet eam, tunc beatus est; et sunt qui spe beati sunt. Inferiore modo isti habent eam, quam illi qui jam re ipsa beati sunt; sed tamen meliores quam illi qui nec re nec spe beati sunt. Qui tamen etiam ipsi nisi aliquo modo haberent eam, non ita vellent beati esse, quod eos velle certissimum est. Nescio quomodo noverunt eam, ideoque habent eam in nescio qua notitia, de qua satago utrum in memoria sit: quia si ibi est, jam beati fuimus aliquando; utrum singillatim omnes, an in illo homine qui primus peccavit, in quo et omnes mortui sumus, et de quo omnes cum miseria nati sumus, non quaero nunc; sed quaero utrum in memoria sit beata vita. Neque enim amaremus eam nisi nossemus. Audimus nomen hoc, et rem ipsam omnes nos appetere fatemur; non enim sono delectamur. Nam hoc cum latine audit Graecus, non delectatur, quia ignorat quid dictum sit; nos autem delectamur, sicut etiam ille si graece hoc audierit: quoniam res ipsa nec graeca nec latina est, cui adipiscendae Graeci Latinique inhiant, caeterarumque linguarum homines. Nota est igitur omnibus, qui una voce si interrogari possent, utrum beati esse vellent, sine ulla dubitatione, velle responderent. Quod non fieret, nisi res ipsa cujus hoc nomen est, eorum memoria teneretur.
Traduction
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Les confessions de Saint Augustin
CHAPITRE XX. CHERCHER DIEU, C’EST CHERCHER LA VIE HEUREUSE.
29. Est-ce ainsi que je vous cherche, Seigneur? Vous chercher, c’est chercher la vie bienheureuse. Oh! que je vous cherche, pour que mon âme vive. Elle est la vie de mon corps, et vous êtes sa vie. Est-ce donc ainsi que je cherche la vie bienheureuse? Car je ne l’ai pas trouvée, tant que je n’ai pas dit là où il faut le dire : C’est assez! Est-ce ainsi que je la cherche? Est-ce par souvenir, comme si je l’eusse oubliée, (460) avec conscience de mon oubli ? Est-ce par désir de l’inconnu? soit que je n’en aie jamais rien su, soit que j’aie tout oublié jusqu’à la mémoire de mon oubli.
Mais n’est-ce pas cette vie heureuse après laquelle tous les hommes soupirent et que nul ne dédaigne? Où l’ont-ils connue pour la désirer ainsi ? où l’ont-ils vue pour l’aimer? Il faut donc qu’elle soit avec nous; comment? je l’ignore; il faut qu’elle soit en nous; mais à différentes mesures. L’heureux en espérance la possède, moins que l’heureux en réalité, plus que celui qui est déshérité et de la réalité et de l’espérance. Mais celui-là même la possède à certain degré, puisqu’il la désire, et d’un désir incontestable.
Quelle est donc cette notion dans l’homme? je ne sais. Réside-t-elle dans sa mémoire ? c’est le problème qui m’intéresse; car alors, il faut que nous ayons été autrefois heureux. Est-ce individuellement , est-ce dans ce premier homme, premier pécheur, en qui nous sommes tous morts, premier père de nos misères?
C’est ce que je n’examine pas maintenant, je ne veux que savoir si la vie heureuse est dans la mémoire. Elle ne peut nous être entièrement inconnue, puisque nous l’aimons; puisqu’à ce nom, il n’est personne qui ne confesse le désir de la réalité. Est-ce donc le son qui nous en plaît? Qu’importe au Grec ce mot latin dont il ignore le sens; mais le synonyme grec ne le laisse pas indifférent. Car elle ne connaît ni la Grèce, ni Rome, celle qu’envient et Grecs et Latins, et tout homme en toute langue; elle est donc connue de tous les hommes. Trouvez un mot compris de tous pour leur demander s’ils veulent être heureux : oui, répondront-ils sans hésiter. Ce qui serait impossible, si ce nom n’exprimait une réalité conservée dans leur mémoire.