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Confessiones (PL)
CAPUT XXIII. Quid sit tempus.
29. Audivi a quodam homine docto, quod solis et lunae ac siderum motus, ipsa sint tempora, et nil annui. Cur enim non potius omnium corporum motus sint tempora? An vero si cessarent coeli lumina, et moveretur rota figuli, non esset tempus quo metiremur eos gyros, et diceremus aut aequalibus morulis agi; aut si alias tardius, alias velocius moveretur, alios magis diuturnos esse, alios minus? Aut cum hoc diceremus, non et nos in tempore loqueremur, aut essent in verbis nostris aliae longae syllabae, aliae breves, nisi quia illae longiore tempore sonuissent, istae breviore? Deus, dona hominibus videre in parvo communes notitias rerum parvarum atque magnarum. Sunt et sidera et luminaria coeli in signis, et in temporibus, et in annis, et in diebus
30. Ego scire cupio vim naturamque temporis, quo [Col. 0821] metimur corporum motus, et dicimus illum motum, verbi gratia, tempore duplo esse diuturniorem quam istum. Nam quaero, quoniam dies dicitur, non tantum mora solis super terram, secundum quod aliud est dies, aliud nox, sed etiam totius ejus circuitus ab oriente usque ad orientem, secundum quod dicimus, Tot dies transierunt; cum suis enim noctibus dicuntur tot dies, nec extra reputantur spatia noctium: quoniam ergo dies expletur motu solis, atque circuitu ab oriente usque ad orientem; quaero utrum motus ipse sit dies, an mora ipsa quanta peragitur, an utrumque. Si enim primum dies esset; dies ergo esset etiamsi tanto spatio temporis sol cursum illum peregisset, quantum est horae unius. Si secundum; non ergo esset dies, si ab ortu solis usque in ortum alterum, tam brevis mora esset quam est horae unius; sed vicies et quater circumiret sol ut expleret diem. Si utrumque; nec ille appellaretur dies, si horae spatio sol totum suum gyrum circumiret; nec ille, si sole cessante tantum temporis praeteriret, quanto peragere sol totum ambitum de mane in mane assolet. Non itaque nunc quaeram quid sit illud quod vocatur dies, sed quid sit tempus quo metientes solis circuitum, diceremus eum dimidio spatio temporis peractum minus quam solet, si tanto spatio temporis peractus esset, quanto peraguntur horae duodecim; et utrumque tempus comparantes diceremus illud simplum, hoc duplum, etiamsi aliquando illo simplo, aliquando isto duplo sol ab oriente usque ad orientem circumiret. Nemo ergo mihi dicat coelestium corporum motus esse tempora: quia et cujusdam voto cum sol stetisset 1; ut victoriosum praelium perageret, sol stabat, sed tempus ibat. Per suum quippe spatium temporis, quod ei sufficeret, illa pugna gesta atque finita est. Video igitur tempus quamdam esse distentionem. Sed video, an videre mihi videor? Tu demonstrabis, Lux, Veritas.
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Josue X, 13 ↩
Traduction
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Les confessions de Saint Augustin
CHAPITRE XXIII. NATURE DU TEMPS.
29. J’ai entendu dire à un savant que le temps, c’est le mouvement du soleil, de la lune et des astres; je ne suis pas de cet avis; car, pourquoi le mouvement de tout autre corps ne serait-il pas le temps? Quoi! le cours des astres demeurant suspendu, si la roue d’un potier continuait à tourner, n’y aurait-il plus de temps pour mesurer ses tours? Ne nous serait-il plus possible d’exprimer l’égalité de leurs intervalles ou la différence de leurs mouvements, si les vitesses sont différentes? Et en énonçant ces rapports, ne serait-ce pas dans le temps que nous parlerions? N’y aurait-il dans nos paroles ni longues, ni brèves? Et comment les reconnaître, sinon à l’inégale durée de leur son? O Dieu! accordez à l’homme de trouver en un point la lumière- qui lui découvre toute grandeur et toute petitesse! Il est, je le sais, des astres et dès flambeaux célestes qui mesurent les saisons, les temps, les années et les jours (Gen. I, 14). C’est une vérité, et je ne prétendrais jamais que le mouvement de cette roue du potier fût notre jour, sans lui refuser toutefois d’être un temps, n’en déplaise à ce philosophe.
30. Ce que je veux savoir, moi, c’est la puissance et la nature du temps, qui nous sert de mesure aux mouvements des corps, et nous permet de dire, par exemple: Tel mouvement dure une fois plus que tel autre; car enfin le jour n’est pas seulement la présence rapide du soleil sur l’horizon, mais encore le cercle qu’il décrit de l’orient à l’orient, et qui règle le nombre des jours écoulés, les nuits mêmes comprises, dont le compte n’est jamais séparé. Ainsi le jour n’étant accompli que par le mouvement du soleil et sa révolution d’orient en orient, est-ce le mouvement, est-ce la durée du mouvement, est-ce l’un et l’autre ensemble qui forment le jour? Est-ce le mouvement? Alors, une heure serait le jour, si cet espace de temps suffisait au soleil pour achever sa carrière:
Est-ce le jour entier? Alors il n’y aurait point de jour si, d’un lever à l’autre, il ne s’écoulait pas plus d’une heure, et s’il fallait vingt-quatre révolutions solaires pour former le jour. Est-ce à la fois le mouvement et le temps? Alors le soleil accomplirait son tour en une heure, et, supposé qu’il s’arrêtât, le même intervalle que sa course mesure d’un matin à l’autre se serait écoulé, qu’il n’y aurait pas eu de véritable jour.
Ainsi, je ne me demande plus, qu’est-ce qu’on nomme le jour, mais qu’est-ce que le temps? ce temps, mesure du mouvement solaire, que nous dirions moindre de moitié, si (482) douze heures avaient suffi au parcours de l’espace accoutumé. En comparant cette différence de temps, ne dirions-nous pas que l’un est double de l’autre, tors même que la course du soleil d’orient en orient serait tantôt plus longue, tantôt plus courte de moitié ? Qu’on ne vienne donc plus me dire: Le temps, c’est le mouvement des corps célestes. Quand le soleil s’arrêta à la prière d’un homme (Josué, X, 13), pour lui laisser le loisir d’achever sa victoire, le temps s’arrêta-t-il avec le soleil? Et n’est-ce point dans l’espace de temps nécessaire que le combat se continua et finit? Je vois donc enfin que le temps est une sorte d’étendue. Mais n’est-ce pas une illusion? suis-je bien certain de. le voir? Q vérité, ô lumière! éclairez-moi.