16.
Mais qu'est-ce qui nous arrête? Mettons-nous en marche. Examinons cependant ce qui doit précéder toutes nos recherches, si nous sommes purs. — A. A toi de t'en assurer, si tu peux porter quelque temps tes regards ou sur toi ou sur moi. Pour moi je répondrai à tes questions, si je vois quelque chose. — L. R. Aimes-tu autre chose que la connaissance de Dieu et de toi-même? — A. Je pourrais répondre, d'après le sentiment intérieur, que je n'aime rien davantage; mais je crois plus sûr de répondre que je l'ignore; car après m'être persuadé qu'aucune autre chose ne pourrait rri émouvoir,il m'est souvent arrivé, néanmoins, qu'une pensée entrait dans mon âme, et l'agitait beaucoup plus que je ne l'avais cru. Souvent aussi, quoique l'idée d'un événement n'ait excité aucun trouble dans mon esprit, cependant, lorsqu'il s'est accompli , il l'a troublé plus que je ne le croyais. Mais il me semble en ce moment qu'il n'y a que trois choses qui puissent m'émouvoir : la crainte de perdre ceux que je chéris, la crainte de la douleur et celle de la mort. — L. R. Tu aimes donc la vie que mènent avec toi ceux qui te sont chers, ta santé propre et ta propre vie dans ce corps; autrement tu ne craindrais pas de les perdre? — A. La chose est ainsi, je l'avoue. — L. R. De ce que tes amis ne sont pas tous avec toi , de ce que ta santé n'est pas assez bonne, ne s'ensuit-il pas que ton âme éprouve quelque chagrin? N'est-ce pas une conséquence de ce que tu viens d'avancer?— A. C'est vrai , je ne le puis nier. — L. R. Et si tout à coup tu te sentais réellement guéri; si tu voyais tous tes amis intimes jouir avec toi d'un noble loisir, ne te laisserais-tu pas aller à quelques mouvements de joie? — A. Oui, à quelques mouvements; comment même pourrais-je me contenir?comment pourrais-je dissimuler une telle joie, si, comme tu le dis, ces heureux événements se produisaient tout à coup? — L. R. Tu es donc encore agité par toutes les maladies et les passions de l'âme. Et quelle n'est pas la témérité de ton esprit, de vouloir contempler le soleil des intelligences? — A. Tu raisonnes contre moi, comme si je ne sentais pas combien ma santé a fait de progrès, combien de vices se sont éloignés, combien il m'en reste encore à détruire. Fais que j'obtienne une complète victoire.