11.
J'agirai en toute bonne foi, lui dis-je, car c'est ton droit de l'exiger.
D'après les académiciens, l'homme ne pouvait parvenir à la connaissance des choses qui ont rapport à la philosophie (quant aux autres choses, Carnéades convenait qu'il s'en souciait fort peu) ; cependant l'homme pouvait être sage, et tout son devoir, comme tu l'as soutenu, Licentius, consiste à chercher la vérité. De là il fallait conclure que le sage ne devait croire à rien. Car si l'on vient à croire des choses incertaines, on se trompe nécessairement; ce qui est un crime pour le sage. Ils ne disaient pas seulement que toutes choses étaient incertaines, mais ils l'affirmaient à grand renfort de raisons. . Cette prétendue impossibilité de saisir le vrai, ils paraissaient l'avoir tirée d'une définition du stoïcien Zénon ; il dit qu'on peut connaître une vérité lorsque le principe qui l'engendre l'a tellement imprimée à l'esprit que rien autre chose n'aurait pu faire une semblable impression. C'est-à-dire, pour parler plus brièvement et plus clairement, que le vrai peut être reconnu à des caractères que le faux ne peut pas avoir. Or, les académiciens s'attachèrent fortement à établir que cela ne pouvait pas se trouver. De là sont venus, pour la défense de ce parti , les discussions des philosophes, les erreurs des sens, les rêveries et les fureurs, les sophismes et les sorites. Et comme ils avaient appris de Zénon que rien n'est plus honteux que de s'en tenir à des opinions incertaines, ils établirent cet ingénieux principe, que, puisqu'on ne pouvait rien connaître, et que d'un autre côté il était honteux de rester dans le doute, le sage ne devait rien croire.