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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) De inmortalitate animae

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De l'immortalité de l'âme

6.

Et quand même l'art serait tantôt dans l'âme, et tantôt n'y serait pas, ce qui arrive, comme chacun ne le sait que trop, par oubli ou par ignorance, cet argument ne ferait rien à l'immortalité; on peut le renverser de la manière suivante : ou il n'y a rien dans l'âme qui ne soit actuellement présent à la pensée, ou l'art de la musique n'est point dans l'artiste musicien, lorsqu'il s'occupe seulement de géométrie; cette dernière proposition est fausse, donc l'autre est vraie.

L'âme ne sent qu'elle possède telle connaissance , qu'autant que cette connaissance est l'objet de la pensée actuelle; il peut donc y avoir quelque chose dans l'âme, quoique l'âme n'en ait pas le sentiment intime1, et peu importe de savoir combien la chose dure. Cette théorie des idées auxquelles on ne fait pas une attention expresse, et des sentiments cachée, est d'une grande importance en métaphysique et en morale.

Si l'esprit est occupé trop longtemps à d'autres idées, et ne peut plus rappeler facilement son attention sur ses connaissances antérieures, c'est ce que l'on appelle l'oubli ou l'ignorance. Mais lorsque, en raisonnant avec nous-mêmes, ou lorsque, bien interrogés par un autre sur quelques beaux-arts, nous découvrons quelques vérités, nous ne les trouvons que dans notre âme. Or, trouver n'est pas faire ou engendrer; autrement l'âme créerait et engendrerait des vérités éternelles en les découvrant dans le temps. Souvent en effet, elle découvre des vérités éternelles : qu'y a-t-il de plus éternel que les rapports du cercle, ou d'autres vérités du même genre, et peut-on comprendre qu'elles n'aient pas toujours été, et ne doivent pas être toujours? Il est donc évident que l'âme humaine est immortelle, et qu'elle conserve dans son sein profond les vrais rapports des choses; quoiqu'elle paraisse, soit par ignorance, soit par oubli, ou ne pas les posséder, ou les avoir perdus2.


  1. On retrouve Ici la théorie de l'aperception développée par Leibnitz dans ses Nouveaux Essais sur l'entendement humain. Il est certain que l'âme ne se connaît pas selon toutes ses modifications, c'est-à-dire qu'elle n'a pas conscience actuelle de tout ce qui la modifie. Dira-t-on que l'âme d'un savant, dans le moment où il ne s'occupe pas de science, n'est pas autrement modifiée que celle d'un ignorant? Si un oeil intellectuel pouvait lire dans l'âme de ce savant, n'y verrait-il rien de plus que dans l'âme d'un ignorant? Le principe de saint Augustin, adopté par Leibnitz, paraîtra encore plus évident si nous l'appliquons aux choses morales. Combien de sentiments intérieurs nous modifient, auxquels nous ne faisons pas une réflexion expresse ! Tel homme se croit juge impartial et jurerait, s'il était nécessaire, qu'aucune passion ne l'aveugle. Il ne serait point parjure, car il ne sait pas qu'un sentiment secret, nuque: il n'a jamais fait assez attention, influence son jugement; nous ne dirons point cependant qu'il est sans reproche. Pour cela il faudrait qu'il lui eût été impossible de s'apercevoir de ce sentiment secret et de le combattre, ce qui n'est ras toujours vrai; c'est ce qui fait que l'homme vertueux ne peut pas se reposer entièrement sur un sentiment intérieur et ne sait jamais d'une manière absolue, à moins d'une grâce spéciale, s'il est vraiment ami de Dieu, et s'il obéit fidèlement à sa grâce, quelque juste confiance qu'il puisse avoir d'ailleurs dans le secours du ciel ou dans le témoignage de sa conscience. ↩

  2. On retrouve ici quelque chose de la réminiscence platonicienne. Nous ne dirons pas qu'apprendre c'est se ressouvenir, mais apprendre c'est, ou tirer ce que l'on ne sait pas de ce que l'on savait déjà, ou faire passer une idée de l'état de perception à l'état d'aperception ; ainsi la science est ou développement, ou passage d'une idée de l'état latent à l'état manifeste, passage qui s'opère pu l'attention expresse. ↩

Edition Masquer
De immortalitate animae (PL)

6.

At enim si ars aliquando est, aliquando non est in animo, quod per oblivionem atque imperitiam satis notum est; nihil ad ejus immortalitatem affert argumenti hujus connexio, nisi negetur antecedens hoc modo. Aut est aliquid in animo, quod in praesenti cogitatione non est; aut non est in erudito animo ars musica, cum de sola geometrica cogitat: hoc autem falsum est; illud igitur verum. Non autem quidquam se habere animus sentit, nisi quod in cogitationem venerit. Potest igitur aliquid esse in animo, quod esse in se animus ipse non sentiat. Id autem quamdiu sit, nihil interest. Namque si diutius fuerit in aliis animus occupatus, quam ut intentionem suam in ante cogitata facile possit reflectere, oblivio vel imperitia nominatur. Sed cum vel nos ipsi nobiscum ratiocinantes, vel ab alio bene interrogati de quibusdam liberalibus artibus ea quae invenimus, non alibi quam in animo nostro invenimus: neque id est invenire, quod facere aut gignere; alioquin aeterna gigneret animus inventione temporali (nam aeterna saepe invenit; quid enim tam aeternum quam circuli ratio, vel si quid aliud in hujuscemodi artibus, nec non fuisse aliquando, nec non fore comprehenditur?): manifestum etiam est, immortalem esse animum humanum, et omnes veras rationes in secretis ejus esse, quamvis eas sive ignoratione sive oblivione, aut non habere, aut amisisse videatur.

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