CHAPITRE XI. LA FAUSSETÉ NE FAIT POINT PÉRIR L’ÂME; CAR LA FAUSSETÉ NE PEUT QUE TROMPER, ET POUR ÊTRE TROMPÉ, IL FAUT EXISTER.
18. Répétons : s'il v a quelque chose à craindre, c'est que l'âme périsse par défaillance, c'est-à-dire par la privation de sa forme essentielle. Nous avons déjà, je pense, traité suffisamment cette question, et montré par des preuves certaines combien la chose est impossible. Cependant il est bon d'observer encore que cette crainte n'est fondée que sur la nécessité d'avouer que l'âme des insensés éprouve une sorte de défaillance, et que celle du sage est d'une nature plus ferme et plus complète. Mais si, comme personne n'en doute, l'âme est d'autant plus sage, qu'elle contemple la Vérité immuable et lui demeure invariablement unie par le lien de l'amour divin; si de plus tout ce qui existe, à quelque degré que ce soit, vient de cette nature suprême, qui est l'Etre souverain: ou bien l'âme lui doit tout ce qu'elle est, ou elle existe par elle-même. Si elle existe par elle-même, comme elle est la cause de son existence et qu'elle ne s'abandonne pas, elle ne peut périr, ainsi que nous l'avons démontré plus haut. Si elle vient de cette nature, il faut examiner avec soin ce qui peut lui être contraire, au point de lui ôter l'être que lui donne cette même nature supérieure.
Qu'est-ce donc qui peut lui être contraire ? Est-ce la fausseté, parce que son principe est la vérité ? Mais ne savons-nous pas clairement jusqu'à quel point la fausseté peut nuire à l'âme? Peut-elle faire autre chose que la tromper ? Or personne ne peut être trompé s'il n'existe; la fausseté ne peut donc anéantir l'âme. Et si ce qui est opposé à la vérité ne peut enlever à l'âme l'existence que la vérité lui a donnée, tant la vérité est invincible; que découvrira-t-on qui soit capable de l'en dépouiller? Rien sans doute, car rien n'est plus capable qu'un contraire de détruire l'effet produit par son contraire.
