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De la grandeur de l'âme
6.
Aug. C'est là, je le sais, le point qu'il nous reste à éclaircir, et j'avais promis de te l'expliquer plus tard; mais comme la matière est très-subtile et qu'elle exige une perspicacité d'intelligence bien autre qu'il n'est ordinaire à l'homme d'en apporter dans les actes journaliers de la vie, je te conseille de suivre docilement les sentiers par lesquels il me paraît bon de te conduire; de ne point te lasser de détours nécessaires, pour te plaindre d'arriver un peu trop tard au terme désiré. Je te demanderai d'abord s'il existe aucun corps sans avoir selon son espèce, longueur, largeur et profondeur?— Ev. Je ne comprends point de quelle profondeur tu parles. — Aug. Je parle de celle qui permet de supposer ou même de percevoir par les sens, si le corps est diaphane comme le verre, quelque chose à l'intérieur du corps; et je crois que sans cette profondeur on ne pourrait ni percevoir, ni même supposer aucun corps. Je désire que tu me découvres ta pensée à ce sujet. — Ev. Je ne doute nullement que ces propriétés ne fassent l'apanage nécessaire de tous les corps.— Aug. Et peux-tu penser que les corps seuls possèdent ces trois propriétés ? — Ev. Je ne sais pas comment elles pourraient être ailleurs.— Aug. Tu ne crois pas alors que l'âme soit autre qu'un corps ? — Ev. Si nous admettons que le vent est un corps, l'âme, je ne puis le nier, me paraît corporelle ; car je pense qu'elle est quelque chose de semblable.— Aug. Que le vent soit un corps, je l'accorde aussi facilement que je te l'accorderais au sujet des flots. Car nous sentons que le vent n'est autre chose que l'air ébranlé et agité ; c'est ce que nous éprouvons dans un lieu tranquille et à l'abri de tout vent, alors qu'en chassant les mouches avec un léger éventail, nous frappons l'air, dont nous :entons le souffle. Mais quand ce phénomène se produit par le mouvement caché des corps célestes ou terrestres , à travers les grands espaces du monde, nous disons que c'est le vent; il a même reçu des noms divers selon les diverses parties du ciel. Est-ce bien. cela ? — Ev. Je ne pense pas autrement, et ce que tu dis, je le regarde comme probable, mais je n'ai pas avancé que l'âme fût un souffle, j'ai dit qu'elle est quelque chose de semblable. — Aug. Dis-moi d'abord si tu penses que le vent, dont tu as fait mention, a de quelque façon, longueur, largeur et profondeur. Nous verrons ensuite si l'âme est quelque chose d'analogue; ainsi, nous pourrons découvrir quelle est sa grandeur. — Ev. Où trouver facilement plus de longueur, plus de largeur, plus de profondeur qu'il n'y en a dans cet air, dont tu m'as persuadé que les commotions forment le vent?
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De quantitate animae (PL)
6.
A. Scio istud nobis enodandum restare, et hoc me deinceps explicaturum promiseram: verum quia res subtilissima est, et longe alios mentis oculos quaerit, quam humana consuetudo in quotidianae vitae actibus habere solita est; admoneo te, ut per ea, per quae te ducendum existimo, libens pergas, nec nostro quodam necessario circuitu defatigatus, aegre tuleris aliquanto te tardius ad id quod cupis pervenire. Nam prius abs te quaero, utrum corpus ullum putes esse, quod non pro modo suo habeat aliquam longitudinem, et latitudinem, et altitudinem? E. Quam dicas altitudinem, non intelligo. A. Illam dico qua efficitur [Col. 1039] ut interiora corporis cogitentur, aut etiam sentiantur, si perlucet ut vitrum; quanquam si hoc demas corporibus, quantum mea opinio est, neque sentiri possunt, neque omnino corpora esse recte existimari. Hinc mihi volo aperias quid tu sentias. E. Prorsus non dubito corpora omnia his carere non posse. A. Quid illud? potes cogitare ista tria non esse nisi in corporibus? E. Non intelligo quomodo alibi esse possint. A. Ergo animam non putas esse aliud quam corpus? E. Si etiam ventum corpus esse confitemur, negare non possum corpus mihi animam videri: nam tale aliquid eam esse cogito. A. Corpus quidem ventum esse tam concedo, quam si me de fluctu interrogares. Nam nihil aliud quam istum aerem commotum ac agitatum ventum esse sentimus; quod in loco tranquillissimo, et ab omnibus ventis quietissimo vel brevi flabello approbari potest, quo etiam muscas abigentes aerem commovemus, flatumque sentimus. Quod cum evenerit occultiore quodam motu coelestium vel terrenorum corporum per magnum spatium mundi, ventus vocatur, ex diversis partibus coeli nomina etiam diversa sortitus. An tibi aliter videtur? E. Mihi vero nihil, et probabile esse accipio quod dicis: sed ego animam non ipsum ventum, sed tale aliquid esse dixi. A. Dic mihi prius, utrum ipsum ventum cujus mentionem fecisti, habere aliquam longitudinem, latitudinem et altitudinem sentias. Deinde videbimus utrum tale aliquid anima sit, ut hoc modo etiam quanta sit, investigare possimus. E. Quid hoc aere longius, et latius, et altius facile inveniri potest, quem commotum, ventum esse nunc abs te mihi persuasum est?