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De la grandeur de l'âme
45.
Aug. Peut-être vois-tu bien. Mais réponds-moi, je te prie : Voyons-nous tout ce que la vue nous fait connaître? — Ev. Je le crois. — Aug. Tu crois encore que tout ce que nous connaissons en -voyant, nous le connaissons par la vue ? — Ev. Je le crois encore. — Aug. Pourquoi donc, en voyant de la fumée seulement, connaissons-nous souvent qu'au-dessous est un feu caché que nous ne voyons pas? — Ev. Tu dis vrai, et déjà je ne crois plus que nous voyons tout ce que la vue nous fait connaître : nous pouvons en effet, ainsi que tu le remarques, voir une chose et en connaître une autre que n'atteint pas la vue. — Aug. Et ce que la vue nous fait sentir, pouvons-nous ne point le voir? — Ev. Nullement. — Aug. Sentir et connaître sont donc des choses différentes ? — Ev. Tout à fait différentes; car nous sentons la fumée que nous voyons, et par là nous connaissons qu'il y a du feu que nous ne voyons pas. — Aug. C'est bien compris. Mais tu vois sans doute que, dans ce cas, notre corps ou plutôt nos yeux n'ont rien à souffrir du feu, [ 305 ] mais seulement de la fumée qu'ils voient. Car nous avons établi que voir c'est sentir, et que sentir c'est souffrir. — Ev. Je le maintiens et j'y souscris. — Aug. Lors donc que l'impression du corps fait connaître quelque chose à l'âme, il ne faut pas attribuer aussitôt cette connaissance à l'un des sens nommés plus haut; il est nécessaire que l'âme même connaisse l'impression. En effet, nous n'avons ni vu, ni entendu, ni flairé, ni goûté, ni touché ce feu, et si l'âme en a connaissance, c'est parce que nous avons vu la fumée. Le corps n'ayant rien ressenti du feu, la connaissance du feu ne vient pas immédiatement des sens, il est vrai, elle nous vient cependant parles sens; car c'est une impression corporelle étrangère, c'est la vue d'un autre objet qui nous a portés à en avoir l'idée et à en acquérir la certitude. — Ev. Je comprends, je vois que tout cela convient parfaitement à ta définition, que tu m'as chargé de soutenir comme la mienne; il m'en souvient, en effet, tu as défini que nous sentons quand l'impression du corps n'est point dérobée à l'âme. Ainsi nous sentons en voyant la fumée, car les yeux ont été impressionnés en la voyant, et ils font partie du corps, ils sont même des corps; mais quoique nous sachions qu'il y a là du feu, comme le feu n'a aucunement impressionné nos organes, nous ne l'avons point senti.
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De quantitate animae (PL)
45.
A. Recte fortasse existimas. Sed responde obsecro, utrum omne quod per visum cognoscimus, videamus. E. Ita credo. A. Credis etiam omne quod videndo cognoscimus, per visum nos cognoscere? E. Et hoc credo. A. Cur ergo plerumque fumum solum videndo, ignem subter latere cognoscimus, quem non videmus? E. Verum dicis: et jam non puto nos videre quidquid per visum cognoscimus: possumus enim, ut docuisti, aliud videndo, aliud cognoscere quod visus non attigerit. A. Quid? illud quod per visum sentimus, possumusne non videre? E. Nullo modo. A. Aliud est ergo sentire, aliud cognoscere. E. Omnino aliud: nam sentimus fumum, quem videmus; et ex eo ignem, quem non videmus, subesse cognoscimus. [Col. 1061] A. Bene intelligis. Sed vides certe cum hoc accidit, corpus nostrum, id est oculos, nihil pati ex igne, sed ex fumo quem solum vident. Etenim videre, sentire; et sentire, pati esse, jam supra consensimus. E. Teneo et assentior. A. Cum ergo per passionem corporis non latet aliquid animam, non continuo sensus vocatur unus de quinque memoratis; sed cum ipsa passio non latet: namque ille ignis non visus, nec auditus, nec olfactus, nec gustatus, nec tactus a nobis, non tamen latet animam, fumo viso. Et cum hoc non latere non vocetur sensus, quia ex igne corpus nihil est passum; vocatur tamen cognitio per sensum, quia ex passione corporis quamvis alia, id est ex alterius rei visione, conjectatum est atque compertum. E. Intelligo, et optime video istud congruere ac favere illi definitioni tuae, quam ut meam mihi defendendam dedisti: nam ita memini esse abs te sensum definitum, cum animam non latet quod patitur corpus. Itaque illud quod fumus videtur, sensum vocamus; passi sunt enim eum oculi videndo, qui sunt corporis partes et corpora: ignem autem, ex quo nihil corpus est passum, quamvis cognitus fuerit, sensum non vocamus.