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De la grandeur de l'âme
46.
Aug. Tu as bonne mémoire et ton intelligence est fort attentive a suivre; mais cette défense de la définition menace ruine. — Ev. Pourquoi, je te prie? — Aug. Parce que, si je ne me trompe, tu ne nies point que le corps éprouve quelque chose pendant la croissance ou la vieillesse; il est néanmoins évident qu'aucun de nos sens ne nous le fait sentir, bien que l'âme ne l'ignore pas. Ainsi elle n'ignore pas ce que le corps éprouve alors, et cette connaissance ne lui vient pas immédiatement des sens : car en voyant grand ce que nous avons vu petit; en voyant vieillards ceux qui furent, sans aucun doute, jeunes et enfants, nous conjecturons que nos corps subissent un semblable changement, maintenant même que nous parlons. Il n'y a en cela nulle erreur, je pense, et je suis plus porté à me croire trompé par ce que je vois, qu'en affirmant la croissance actuelle de mes cheveux et le changement de mon corps d'un instant à l'autre. Si donc il y a dans ce changement une impression corporelle, ce que personne ne nie; si de plus nous ne le sentons pas, quoique l'âme le connaisse, puisque nous le connaissons; il s'ensuit que le corps éprouve ce que connaît l'âme, comme noirs le disions, et que cependant nous ne le ressentons pas. Donc notre définition est vicieuse; car elle ne devait renfermer rien d'étranger au sens et elle comprend le cas précédent.
Ev. Je ne vois plus d'autre ressource que de te demander une autre définition, ou de corriger celle-ci s'il est possible, car je ne puis en nier le vice en face d'une raison dont j'apprécie la force. — Aug. Il est facile de la corriger, je te prie même de le tenter, c'est chose facile, crois-moi, si tu as bien compris où en est le défaut. — Ev. Est-il ailleurs que là où elle embrasse des objets étrangers?— Aug. Comment? — Ev. C'est que le corps vieillissant de même chez un jeune homme, on ne saurait nier qu'il éprouve quelque chose; or, comme nous le savons, l'âme aussi le sait; mais il n'y a aucun sens pour nous en avertir, car maintenant je ne me vois point vieillir et ni l'ouïe, ni l'odorat, ni le goût, ni le toucher ne me le disent non plus. — Aug. Par quel moyen le sais-tu? — Ev. C'est la raison qui me le dit. — Aug. Sur quel argument s'appuie ta raison? — Ev. C'est que je vois ces vieillards qui autrefois étaient jeunes comme je le suis. — Aug. N'est-ce point par un des cinq sens que tu les vois ? -Ev. Qui le nierait? Mais par là même que je les vois, je conclus que je vieillis aussi, bien que je ne le voie pas. — Aug. Quelle expression faudrait-il donc, à ton avis, ajouter à notre définition pour la rendre parfaite ? Car nous ne sentons qu'autant que l'âme sait ce qu'éprouve le corps, et qu'elle ne le sait, ni par une autre impression, ni partout autre moyen. — Ev. Dis-moi cela plus clairement, je te prie.
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De quantitate animae (PL)
46.
A. Memoriam quidem tuam probo et sequacem intelligentiam; verum munitio illa definitionis labascit. E. Cur quaeso? A. Quia non negas, ut opinor, nonnihil pati corpus cum crescimus vel senescimus: neque id nos ullo sensu sentire manifestum est; nec id tamen animam latet. Non igitur eam latet quiddam quod patitur corpus, nec tamen sensus iste appellari potest. Videndo enim majora ea quae aliquando minora videramus, et videndo senes eos quos juvenes ac pueros fuisse constat; conjectamus aliquam talem mutationem nostra corpora, etiam nunc dum loquimur, pati. Neque in eo fallimur, ut opinor: nam proclivius est, ut me falli dicam quod video, quam quod intelligo capillos meos nunc crescere, corpusve per momenta mutari. Quod si mutatio ista, passio corporis est, quod nemo negat, nec nunc sentitur a nobis, nec tamen animam latet, quia nos non latet; patitur, ut dixi, corpus quod non latet animam, nec sensus est tamen. Quare illa definitio, quae nihil quod sensus non esset, debebat includere, cum hoc inclusit, certe vitiosa est. E. Nihil mihi restare video, quam ut te petam, ut aut definias aliter, aut hanc recures, si potes: nam eam ista ratione quam vehementer probo, vitiosam esse negare non possum. A. Facile est istam corrigere, quod volo tu audeas: facies enim, mihi crede, si bene intellexisti ubi peccet. E. Num alibi quam ubi aliena comprehendit? A. Quo tandem modo? E. Quia quod senescit corpus, quamvis in juvene, non potest negari pati aliquid; idque cum scimus, non latet animam quiddam quod patitur corpus, neque tamen ullo sensu percipi potest: nam nec video me modo senescere, neque id auditu, aut olfactu, aut gustatu, aut tactu sentio. A. Unde ergo illud nosti? E. Ratione id colligo. A. Quibus argumentis ratio tua nititur? E. Quod alios video senes, qui ut ego nunc sum, juvenes erant. A. Nonne sensus est, quo eos vides, unus de quinque? E. Quis [Col. 1062] negat? Sed ex eo quod illos video, me quoque cum id non videam, conjecto senescere. A. Quid verborum ergo illi definitioni, quo perficiatur addendum putas; cum sensus non sit, nisi non lateat animam corporis passio, nec tamen ita ut eam per aliam passionem, aut per aliud quodlibet intelligat? E. Dic, quaeso, istud paulo planius.