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Lève donc les yeux et t'élance sur ce quatrième degré. Ici commence la vertu, et tout ce qui est vraiment digne de louanges. Là, en effet, l’âme ose se préférer, non-seulement à son corps, quelque ;partie qu'il fasse de l'univers, mais aussi à tous les corps; elle ne regarde pas les biens du monde comme ses propres biens, et quand elle les compare à sa puissance et à sa beauté, loin de les confondre elle les méprise. Plus elle se plaît à cela, plus elle se détache de ce qui la souille, se purifie et s'embellit. Elle commence aussi à s'armer contre tous les obstacles qui font effort pour la faire renoncer à son dessein et à son sentiment; elle estime singulièrement la grande communauté humaine et ne veut pas pour autrui ce dont elle ne voudrait pas pour elle-même; elle suit la direction de l'autorité et les conseils des sages, où elle croit entendre la voix de Dieu même.
Il est vrai le travail se fait sentir dans cette magnifique occupation de l'âme; il faut lutter fortement et courageusement contre les adversités et les séductions du siècle. Car, en se purifiant ainsi, l'âme craint la mort, souvent assez peu et souvent beaucoup. Assez peu, quand, incapable encore de voir la vérité comme la voient les âmes bien pures, elle croit fermement que tout est gouverné par la haute providence et la justice de Dieu, et que la mort ne frappe personne injustement lors même qu'elle serait infligée par une main coupable. On craint beaucoup la mort lorsqu'on croit d'autant plus faiblement à cette Providence divine, qu'on la cherche avec plus de soucis ; lorsqu'on la distingue d'autant moins que la tranquillité d'esprit, indispensable à l'examen des questions obscures, est plus troublée par cette crainte même. Ensuite, plus l'âme sent dans les progrès qu'elle fait, combien il y a de différence entre être pur ou être souillé; plus elle redoute qu'en quittant ce corps elle ne trouve Dieu plus sévère contre ses fautes qu'elle ne l'est elle-même. Mais rien n'est plus difficile que d'avoir horreur de la mort et de renoncer aux plaisirs du monde autant que le demandent les dangers qu'on y court. L'âme toutefois est si grande, qu'elle le peut, mais avec le secours du Dieu véritable et souverain, de cette justice qui soutient et dirige cet univers, qui a donné l'existence à tout, et une telle existence que ce tout ne saurait être meilleur. C'est donc à cette justice qu'elle se confie avec piété et sécurité, pour obtenir d'être aidée et comme achevée, dans l'oeuvre si difficile de sa sanctification.