34.
L'antispaste donne lieu à une anomalie non moins étrange. S'il n'est combiné avec aucun autre pied ou s'il n'est mêlé qu'au diiambe, il ne repousse pas l'iambe comme finale : mais il le repousse, s'il est uni à d'autres pieds. Car s'il est uni au ditrochée, le ditrochée, même dans ce cas, ne peut s'allier avec l’iambe, et il n'y a là rien qui doive surprendre. Mais ce qui m'étonne, c'est qu'il rejette l'iambe, dès qu'il est combiné avec tout autre pied de six temps; ce fait tient peut-être à une cause trop obscure pour qu'il soit possible de l'approfondir et de la mettre en pleine lumière, mais c'est un fait et je le démontre par des exemples. Ces deux mètres :
Potestate placet,
Potestate potentium placet,
offrent une reprise fort agréable, personne n'en doute, en mettant à la fin un silence de trois temps. Au contraire, il y a une véritable cacophonie, dans ces mètres, avec le même silence :
Potestate praeclara placet.
Potestate tibi multum placet.
Potestate jam tibi sic placet.
Potestate multum tibi placet.
Potestatis magnitudo placet.
Dans ce problème, l'oreille a rempli son office: elle a fait sentir ce qui lui plaît et ce qui la choque. Veut-on pénétrer la cause? Il faut recourir à la raison : La mienne, dans une aussi profonde obscurité, ne découvre qu'une seule explication : la première moitié de l'antispaste lui est commune avec le diiambe,puisque tous deux commencent par une longue suivie d'une brève; la seconde moitié, au contraire, lui est commune avec le ditrochée, puisque tous deus finissent par une longue suivie d'une brève, Par conséquent l'antispaste admet bien l’iambe à la fin du mètre, comme sa première moitié, quand il est seul; il l'admet encore quand il est uni au diiambe, comme ayant cette première moitié en commun avec lui; donc il l'admettrait quand, il est uni au ditrochée, si pareille terminaison était en rapport avec le ditrochée, et s'il le repousse, quand il est mêlé à d'autres pieds, c'est qu'il ne se mesure pas selon le même rapport de temps.