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Quant à l'observation que tu as faite ensuite, qu'il y a dans les chants et dans les danses des grossièretés qu'on ne saurait appeler modulation sans dégrader cet art presque divin, elle est parfaitement juste. Voyons donc d'abord ce qu'il faut entendre par moduler; ensuite, par bien moduler, car ce n'est pas sans raison que le mot bien a été ajouté à la définition. Quant au mot science, il ne faut pas non plus le passer légèrement; voilà les trois termes, si je ne me trompe, dont se compose la définition. — L’E. J'y consens.
L. M. Nous reconnaissons donc que modulation dérive de modus. Faut-il craindre qu'il n'y ait excès ou défaut de mesure que dans les objets mis en mouvement? Et, quand il n'y a pas mouvement, doit-on craindre que la me. sure ne soit pas observée? — L’E. Pour cela non. — L. M. Ainsi, nous pouvons définir la modulation, l'art dans les mouvements, ou du
moins l'art d'exécuter des mouvements réguliers. Car il nous serait impossible de dire qu'un objet obéit à un mouvement régulier, s'il ne gardait une mesure. — L’E. Cela serait impossible sans doute; mais alors il faudra comprendre sous le terme de modulation tout ce qui sera bien fait. Car, sans mouvement régulier, rien ne peut bien s'exécuter.— L. M. Et si tous ces actes s'accomplissaient d'après les lois de la musique, bien que le mot de modulation soit à juste titre plus communément employé à propos des instruments de musique? Tu distingues bien, j'imagine, un ouvrage tourné soit en bois, soit en argent, soit en toute autre matière, du mouvement qu'exécute l'ouvrier pour le faire. — L’E. La différence est profonde, je l'avoue. — L. M. Ce mouvement est-il exécuté pour lui-même, ou en vue de l'objet à tourner? — L. E. Evidemment en vue de l'objet. — L. M. Eh bien ! si quelqu'un meut son corps sans autre but que de le mouvoir avec grâce et avec élégance, ne dirons-nous pas qu'il danse? — L’E. D'accord. — L. M. Quand donc penses-tu qu'une chose est supérieure et en quelque sorte maîtresse? Est-ce quand on la recherche en vue d'elle-même ou dans un autre but? — L’E. C'est évidemment quand on la recherche en vue d'elle-même. — L. M. Rappelle-toi donc la définition que nous avons donnée tout à l'heure de la modulation. Nous avons établi qu'elle n'était que l'art dans les mouvements; vois maintenant à quels mouvements doit s'appliquer de préférence cette définition; est-ce à ceux qui sont pour ainsi dire indépendants, je veux dire qu'on recherche pour eux-mêmes, et qui ont en eux-mêmes la vertu de plaire, ou bien à ceux qui ont je ne sais quoi de servile? car tout ce qui ne s'appartient pas et sert à une fin qui lui est étrangère est réduit à une sorte de servitude. — L’E. Il est clair qu'elle s'applique à ceux qu'on recherche pour eux-mêmes. — L .M. Il est donc probable que la science des modulations est une science qui consiste à bien ordonner les mouvements, à les rendre capables (exciter l'intérêt et par conséquent de plaire par eux-mêmes. — L’E. C'est fort probable.
