1.
J'ai appris que votre noblesse avait entendu les circoncellions et les clercs du parti de Donat qu'il a fallu mettre en jugement pour leurs méfaits dans un intérêt d'ordre public, et que beaucoup de ces donatistes dénoncés par les magistrats d'Hippone avaient fait des aveux : ils se sont reconnus coupables du meurtre de Restitut , prêtre catholique, et de violences contre Innocent, un autre de nos prêtres, à qui ils ont crevé un oeil et coupé un doigt. Ces aveux m'ont mis en grande inquiétude ; je crains que votre Sublimité ne songe à frapper les coupables avec toute la sévérité des lois et à les traiter comme ils ont traité les autres. C'est pourquoi, au nom de la foi que vous avez dans le Christ, et au nom de la miséricorde du Christ lui-même, je vous conjure de ne pas faire cela ni de le permettre. Quoique nous puissions ne pas nous reprocher la mort de ces donatistes, puisqu'ils n'ont point été dénoncés par les nôtres, mais par les magistrats chargés de veiller à la tranquillité publique, toutefois nous ne voulons pas de ce qui ressemblerait à la loi du talion pour venger les souffrances des serviteurs de Dieu. Ce n'est pas que nous nous opposions à ce qui doit ôter aux méchants la liberté du crime, mais nous voulons qu'on leur laisse la vie et qu'on ne fasse subir à leur corps aucune mutilation; il nous paraîtrait suffisant qu'une peine légale mît fin à leur agitation insensée et les aidât à retrouver le bon sens, ou qu'on les détournât du mal en les employant à quelque travail utile. Ce serait là aussi une condamnation; mais qui ne comprend qu'un état où l'audace criminelle ne peut plus se donner carrière et où on laisse le temps au repentir, doit être appelé un bienfait plutôt qu'un supplice ?