2.
Nous étions à ces souvenirs de philosophie dans notre conversation, lorsque l'un de nos anis prenant la parole : « Qui donc, parmi nous, dit-il; serait assez instruit dans le christianisme pour pouvoir éclaircir mes difficultés et affermir l'incertitude de mon assentiment par des raisons vraies ou vraisemblables? » Nous écoutons avec un étonnement silencieux. L'interlocuteur s'abandonnant à la vive liberté de sa pensée, continue en ces termes : « J'admire comment celui qui est le Maître du monde et qui le gouverne est. destendu dans le sein d'une vierge, comment cette mère a eu la longue peine de le porter pendant les dix mois de la grossesse, comment elle l'a enfanté au temps voulu, et comment elle est restée vierge après l'enfantement. » Puis l'interlocuteur ajouta ceci : « Celui qui est plus grand que l'univers a donc été caché dans le petit corps d'un enfant; il a donc souffert comme souffrent les enfants, il a grandi, il s'est fortifié en avançant dans la jeunesse; ce souverain sera resté bien longtemps absent de ses royales demeures, et le soin du monde entier aura été transporté au mouvement d'un petit corps ; ensuite ce Maître de l'univers aura dormi et mangé; il aura éprouvé tons les besoins des mortels, et aucun signe convenable n'aura fait éclater la grande majesté cachée sous cette terrestre enveloppe ; car le pouvoir de chasser les démons, de guérir les malades, de ressusciter les morts, tout cela, si vous songes à d'autres qui en ont fait autant, tout cela est trop peu pour un Dieu. » L'interlocuteur se disposait à pousser plus loin, nous l'interrompîmes ; la réunion se sépara ; nous fûmes d'avis d'en appeler à une pensée plus éclairée que la nôtre, de peur qu'en voulant trop imprudemment pénétrer des secrets, notre erreur, jusque-là innocente, ne devint une faute. Vous venez de recevoir l'aveu de notre ignorance, ô vous qui êtes fait pour toute gloire! vous voyez ce qu'on désire de vous. Votre renommée est intéressée à là solution de ces questions obscures; l'ignorance peut se tolérer en d'autres prêtres sans dommage pour la religion; mais lorsqu'on vient à consulter le pontife Augustin, on est fondé à croire que tout ce qu'il ne sait pas n'est point dans la loi. Que la suprême divinité vous garde sain et sauf, seigneur vraiment saint et bien vénérable père.