33.
Ces mots : « Pourquoi m'avez-vous abandonné ? » voyez comme ils s'éclairent de ces autres paroles: « Ne vous éloignez pas de moi, parce que l'affliction est proche ! » Comment Dieu a-t-il délaissé le Christ qui lui dit : Ne vous éloignez pas de moi ? si ce n'est parce qu'il a abandonné la félicité passagère de la vie du, vieil homme; et le Christ prie Dieu de ne pas s'éloigner et de lui laisser l'espérance de l'éternelle vie. Mais pourquoi ces mots
« Mon affliction est proche? » La Passion du Sauveur n'était pas éloignée, et c'est au milieu de cette passion même qu'il prononce les paroles prophétiques de ce psaume; car il en doit prononcer encore ces mots clairement écrits dans l'Evangile : « Ils ont partagé entre eux mes vêtements, et ils ont tiré ma robe au sort 1; » ce qui arriva tandis que le Sauveur était suspendu à la croix. Pourquoi donc «cette affliction qui est proche, » quand le Sauveur parle au milieu même de sa Passion? Ce qu'il faut comprendre, c'est que quand la chair est dans les douleurs et les peines, l'âme soutient un grand combat de patience où elle a besoin de travailler et de prier pour ne pas succomber. Rien n'est plus près de l'âme que sa chair; aussi tout grand et parfait contempteur de ce monde ne souffre pas lorsqu'il ne souffre pas dans sa chair. Il a sa raison qui veille, lorsqu'il perd des biens extérieurs qui sont si loin du coeur d'un sage sans passion; il ne se met. pas en peine de ce qu'il souffre parce qu'il ne souffre rien. Mais quand il perd les principaux biens du corps, la santé et la vie, l'affliction menace les biens de l'âme, par lesquels il règne sur son propre corps. Y a-t-il une raison assez forte pour le préserver de la douleur si on le déchire ou si on lui brûle le corps? Telle est l'union du corps avec l'âme, que celle-ci souffre nécessairement quand l'autre souffre.
-
Matth. XXVII, 35. ↩