63.
Faites bien attention à toutes ces paroles. « Pour cette raison, dit l'Apôtre, je fléchis les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de qui toute paternité tire son nom dans les cieux et sur la terre. » Vous demandez quelle est cette raison ; l'Apôtre l'avait déjà donnée: « C'est pourquoi je demande que vous ne vous laissiez pas abattre à la vue de tout ce que je souffre pour vous. » Il leur souhaite donc de n'être pas affaiblis par les tribulations qu'il supportait pour eux, et à cause de cela il fléchissait les genoux devant le Père. Et pour leur montrer d'où peut leur venir, la grâce de ne pas tomber dans la faiblesse, il ajoute : « Afin que, selon les richesses de sa gloire, il vous fortifie puissamment par son Esprit. » Ce sont les richesses qui font dire à l'Apôtre : « O profondeur des richesses! » Là se cachent les causes qui nous font dire, à nous qui n'avons rien mérité: qu'avons-nous que nous ne l'ayons reçu? L'Apôtre poursuit ainsi: «Afin que le Christ habite dans l'homme intérieur par la foi qui anime vos coeurs. » C'est la vie des coeurs par laquelle nous vivons dans les siècles des siècles, depuis que la foi commence en nous jusqu'à la claire vision où tout s'achève. « Afin qu'enracinés et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints. » Ceci marque la communion d'une certaine république céleste et divine; les pauvres y sont rassasiés, parce qu'ils ne cherchent pas leurs intérêts, mais ceux de Jésus-Christ ; c'est-à-dire qu'ils ne poursuivent pas leur bien privé, mais le bien commun où s'accomplit le salut de tous; car l'Apôtre a dit de ce pain qui rassasie les pauvres: « Nous ne sommes tous ensemble qu'un seul. pain et un seul corps 1. » Que veut-il donc leur faire comprendre? C'est, je l'ai déjà dit, « la largeur» dans les bonnes oeuvres où la bonté est poussée jusqu'à aimer les ennemis; « la longueur, » pour que les maux soient patiemment supportés en faveur de cette largeur de charité; « la hauteur, » pour qu'on n'espère pas quelque chose de vain et de passager pour des oeuvres,auxquelles est réservée une récompense sublime et éternelle; quant à « la profondeur, » elle touche au mystère de la grâce gratuite, cachée dans les secrets de la volonté de Dieu. C'est là que nous sommes enracinés, c'est là que nous sommes fondés: enracinés, parce que nous sommes un champ que Dieu cultive ; fondés, parce que nous sommes un édifice que Dieu bâtit. Car le même Apôtre, dans un autre endroit, dit bien que tout ceci ne vient pas de l'homme: «Vous êtes la culture de Dieu, vous êtes l'édification de Dieu 2. » Tout cela se fait lorsque, dans notre pèlerinage, la foi opère par l'amour. Mais dans le siècle futur la charité pleine et parfaite, délivrée de toute souffrance, n'aura plus à croire ce qu'elle ne voit pas ni à espérer ce qu'elle ne possède point: elle contemplera à jamais la beauté immuable de la vérité; sa tranquille occupation, son occupation sans fin sera de louer ce qu'elle aime et d'aimer ce qu'elle loue. C'est d'elle que l'Apôtre dit : « Connaître aussi l'incomparable science de la charité du Christ, afin que vous soyez remplis selon toute la plénitude de Dieu. »