22.
Or, si personne n'a jamais vu Dieu, parce que, selon le commentateur dont nous examinons les paroles, « personne n'a vu la plénitude de sa divinité, personne ne l'a mesurée des yeux ni de l'esprit; car voir se rapporte à l'un et à l'autre, » il reste à chercher comment les anges voient Dieu; « leurs anges, ai-je déjà rappelé d'après l'Evangile, voient toujours la face de mon Père 1. » Si les anges ne voient pas Dieu comme il est, mais si sa nature leur demeure cachée et qu'il ne leur apparaisse que dans la forme qu'il veut, il faut chercher de plus en plus comment nous le verrons tel qu'il est et comme Moïse désira le voir, lorsqu'en sa présence il lui demandait de se montrer à lui. La suprême récompense qui nous est promise après la résurrection, c'est que nous serons égaux aux anges de Dieu 2; mais si eux-mêmes ne voient pas Dieu tel qu'il est, comment le verrons-nous, quand, à la résurrection, nous deviendrons leurs égaux? Voyez ce qu'enseigne avec raison notre Ambroise: « Enfin, dit-il, lorsqu'on ajoute : le Fils unique l'a raconté lui-même, il s'agit de la vue des intelligences plus que de la vue des yeux. Car la forme se voit, mais la puissance se raconte; l'une est saisie par les yeux, l'autre par l'esprit. » Celui qui peu auparavant avait dit que la vue se rapportait à l'un et à l'autre, la donne maintenant, non point à l'esprit mais aux yeux; ce n'est pas, je crois, faute de peser ses paroles, mais c'est parce que, dans notre langage accoutumé, nous attribuons la vue aux yeux comme la forme aux corps: l'usage applique plus souvent ce langage aux choses qui occupent des espaces et s'offrent avec des couleurs. Si nulle forme n'était visible à l'esprit, le Psalmiste n'aurait pas dit au Sauveur: « Vous surpassez en beauté les enfants des hommes 3 ; » car cela n'a pas été dit selon la chair à l'exclusion de la beauté spirituelle. Il y a donc une beauté qui appartient à l'oeil de l'esprit; mais parce que cette expression s'emploie plus fréquemment pour les corps ou pour ce qui leur ressemble, saint Ambroise a dit : « La forme se voit, mais la puissance se raconte; l'une est saisie par les yeux, l'autre par l'esprit. » C'est pourquoi, grâce aux révélations ineffables du Fils unique qui est dans le sein du Père, la créature raisonnable, devenue pure et sainte, est remplie d'une ineffable vue de Dieu, à laquelle nous parviendrons quand nous serons égaux aux anges. Car personne n'a jamais vu Dieu, de la même manière que les choses visibles, que nous connaissons par nos sens; et s'il est arrivé qu'il ait été vu ainsi, ce n'a été que sous une forme choisie par sa volonté, tandis que sa nature demeurait immuable et voilée. Maintenant peut-être quelques anges le voient comme il est; mais nous-mêmes nous le verrons tel, lorsque nous serons devenus leurs égaux.