15.
A ces paroles que nous expliquons, l'Apôtre ajoute celles-ci . « La loi est survenue pour que le péché abondât; » mais elles ne touchent pas au péché que nous tirons d'Adam, et duquel saint Paul disait plus haut : « La mort a régné par un seul ; » ces paroles s'appliquent soit à la loi naturelle qui apparaît à l'âge où l'on peut user de la raison, soit à la loi écrite, donnée par Moïse, qui elle-même ne peut pas vivifier ni délivrer de la loi de péché et de mort dérivée d'Adam, mais qui multiplie les prévarications : « car où la loi n'est pas, dit le même Apôtre, il n'y a pas prévarication 1. » Par conséquent, comme il y a dans l'homme en état d'user de son libre arbitre, une loi, naturellement écrite au coeur, qui défend de faire à autrui ce qu'on ne voudrait point souffrir soi-même, tous sont prévaricateurs selon cette loi, même ceux qui n'ont pas reçu la loi de Moïse, dont le Psalmiste a dit : « Tous les pécheurs de la terre ont été reconnus prévaricateurs 2. » Il est vrai, car tous les pécheurs de la terre n'ont pas transgressé la loi donnée par Moïse ; pourtant s'ils n'avaient transgressé quelque loi, ils ne seraient pas appelés prévaricateurs ; « car où la loi n'est pas, il n'y a pas prévarication. » Ainsi donc, après la violation de la loi donnée dans le paradis, la postérité d'Adam s'est trouvée sous le coup de la loi de péché et de mort, dont il a été dit : «Je vois dans mes membres une loi opposée à la loi de mon esprit, et qui me captive sous la loi de péché qui est dans mes membres 3. » Toutefois si elle n'était point fortifiée par la mauvaise habitude, on la vaincrait plus aisément, non cependant sans la grâce de Dieu. Mais par la violation de l'autre loi, écrite dans le coeur de tout homme en âge de raison, tous les pécheurs de la terre deviennent prévaricateurs. Par la transgression de la loi donnée par Moïse, le péché abonde encore bien davantage. « Car si une loi avait été donnée qui pût vivifier, c'est vraiment de la loi que viendrait la justice. Mais l'Ecriture a tout enfermé sous le péché, afin que la promesse fût accomplie en faveur des croyants par la foi en Jésus-Christ. » Ces paroles sont de l'Apôtre, vous devez les reconnaître. Il dit encore de cette loi : « La loi a été établie à cause de la prévarication jusqu'à l'avènement de Celui pour qui Dieu a fait la promesse; et remise par les anges aux mains d'un Médiateur 4. » C'est du Christ que parle ici saint Paul ; tous sont sauvés par sa grâce; il sauve les petits de la loi de péché et de mort avec laquelle nous naissons; les grands qui, dans le libre usage de leur volonté, ont transgressé la loi naturelle de la raison elle-même; et ceux qui, ayant reçu la loi de Moïse et l'ayant violée, ont été tués par la lettre. Lorsqu'un homme manque aux préceptes mêmes de l'Evangile, il devient comme un mort de quatre jours; il ne faut pas cependant en désespérer, à cause de la grâce de Celui qui n'a pas dit à voix basse, mais « qui a crié d'une grande voix : Lazare, sors dehors 5. »