3.
Qu'y a-t-il donc de premier en Dieu, si on peut parler ainsi ? est-ce la raison ou Dieu ? Mais Dieu ne sera pas sans la raison qui enseigne que Dieu doit être. La raison ne sera pas non plus si Dieu n'est pas. Il n'y a donc ici ni premier ni dernier; et la nature divine renferme en quelque manière Dieu et la raison. Mais l'un engendre l'autre : la raison engendre Dieu ou Dieu la raison. Il faut que, de la raison ou de Dieu, il y en ait un qui soit sujet et que l'un des deux soit le principe de l'autre. Mais on dit avec vérité que Dieu engendre la raison, puisque la raison démontre que Dieu est. Dieu est connu de la raison comme le Fils l'est du Père, et la raison est connue de Dieu comme le Père l'est du Fils. Car la raison elle-même est Dieu avec, Dieu. Et Dieu n'a jamais été sans la raison ni la raison sans Dieu. Dès lors Dieu existe si la raison existe, et le Fils existe si le Père existe; et si on ôte la raison, ce qui, encore une fois, serait criminel à dire, Dieu lui-même n'est plus; car c'est par sa raison que Dieu est Dieu. Répétons : sans la raison Dieu ne serait pas, et sans Dieu il n'y aurait pas de raison. La raison et Dieu sont donc une chose éternelle; et Dieu et la raison sont éternels de la même manière. Cette liaison et cette union de la raison avec Dieu et de Dieu avec la raison, du Père avec le Fils et du Fils avec le Père, constituent en quelque sorte leurs principes et les causes même de leur existence, parce que l'un ne peut pas être sans l'autre. Les paroles manquent, et tout ce qu'on dit là-dessus, on ne le dit que pour ne pas s'en taire. Dirons-nous que Dieu soit le germe de la raison ou la raison le germe de Dieu, parce qu'il ne peut y avoir de fruit sans racine ni de racine sans fruit? Continuons la comparaison afin que l'intelligence comprenne quelque chose de Dieu ; il y a dans le grain de froment un principe de fécondité par lequel il ne lui est pas permis de demeurer stérile : mais s'il n'y avait pas de grain de froment, il n'y aurait pas de principe pour produire.