2.
N'allez pas croire d'après ceci, que par une plus grande vigueur d'esprit et une intelligence plus ferme de la vérité, nous soyons arrivés à une sorte de jeunesse de l'âme. Nous ne sommes que des enfants, mais, comme on dit, de beaux enfants peut-être. Car ce petit raisonnement, qui vous est bien connu, vient souvent rafraîchir et élever nos yeux troublés et remplis des nuisibles soucis. L'intelligence, disons-nous, est supérieure aux yeux et à toutes ces impressions vulgaires: ce qui ne serait pas, si les choses qui se comprennent n'avaient plus d'être que celles qui se voient. Examinez avec moi s'il y a quelque chose de solide à opposer à ce raisonnement. Parfois, avec cet appui fortifiant, et après avoir imploré l'assistance de Dieu, quand je suis emporté vers lui et vers ce qu'il y a de plus véritablement vrai, cette jouissance anticipée des choses éternelles me possède à tel point que j'ai besoin du même raisonnement pour croire à la réalité des objets qui nous sont aussi présents que chacun de nous est présent à lui-même.
Repassez vos lettres, et voyez si, à mon insu, je ne vous dois point d'autre réponse : vous saurez cela mieux que moi. J'ai bien de la peine à croire que je sois sitôt dégagé du poids de tant d'obligations dont un jour je m'étais rendu compte: je ne doute pas cependant que vous n'ayez reçu des lettres de moi, auxquelles vous n'avez pas encore répondu.