1.
Je conserve vos lettres comme mes yeux; elles sont grandes, non par l'étendue, mais par les choses, et renferment de grandes preuves de ce qu'il y a de plus grand. Elles parleront à mon oreille comme le Christ, comme Platon, comme , Plotin. Elles seront, par leur éloquence, douces à entendre; par leur brièveté, faciles à lire; par leur sagesse, profitables à suivre. Ayez donc soin de m'apprendre tout ce qui paraîtra bon et sain à votre esprit.
Vous répondrez à ma lettre quand vous serez arrivé à des conclusions dont vous soyez satisfait sur l'imagination et la mémoire. Il me parait à moi que quoique l'imagination n'agisse pas toujours avec la mémoire, la mémoire ne peut jamais agir sans l'imagination. Mais alors, qu'arrive-t-il, me direz-vous, lorsque nous nous souvenons d'avoir compris ou pensé? — A cela je réponds qu'il se mêle toujours à nos perceptions et à nos pensées quelque chose de corporel et de changeant qui appartient à l'imagination elle-même; car, ou , bien nous exprimons nos pensées avec des paroles, et ces paroles n'existent pas sans le temps, et dès lors elles sont du domaine des sens et de l'imagination; ou bien notre esprit reçoit une impression telle quelle dont l'imagination et la mémoire parent en même temps. Je vous dis cela sans réflexion et sans ordre, selon ma coutume; vous l'examinerez et vous me donnerez dans vos lettres tout le vrai que vous aurez séparé du faux.