2.
Je méritais peut-être ce bonheur à cause de mon ardent désir de vous voir; je ne le méritais pas, je l'avoue, à cause des péchés qui chargent ma conscience. Pourtant j'ai recueilli malgré l'absence de grands fruits de ce bon désir, et de nouveaux biens sont venus mettre le comble à mon bonheur : j'ai été recommandé à celui que je désirais tant connaître, et je l'ai été par deux saints évêques qui habitent, des lieux différents. L'un vous a parlé de moi avec bienveillance, comme j'ai déjà dit : c'est en votre présence qu'il a rendu témoignage de moi; l'autre, animé des mêmes sentiments, en a laissé voter vers vous l'expression dans une lettre. Leur témoignage glorieux m'a fait auprès de vous une couronne , non pas avec des fleurs dont l'éclat passe vite, mais avec des pierres précieuses qui durent toujours. Priez donc Dieu pour moi, mon saint père, intercédez pour moi, je vous en conjure, afin que je puisse devenir un jour tel qu'on m'a représenté devant vous, car à présent je sens combien je suis peu digne d'un si grand témoignage. Les deux saints évêques m'ont déjà dédommagé de tout ce que me tait perdre mon éloignement de vous, puisque vous avez daigné me parler, m'écrire, me saluer, et dans l'absence vous rapprocher de moi. C'est vous, après Dieu, que je m'affligeais de ne pas voir, et c'est de vous que je voulais être connu. Vous n'avez pas vu mon visage comme vous le dites; mais ce qui vaut mieux, vous avez vu la face de mon âme, et vous aimiez d'autant plus à me voir que c'était plus avant dans moi-même. Que Dieu fasse, ô mon père, que je réponde à la bonne opinion que vous avez de moi, et que ma conscience ne me montre pas trop différent de l'image que vous vous êtes faite !