2.
Vous avez peut-être entendu parler de quelques pontifes de grand nom, qui ont anathématisé un pécheur avec toute sa maison; il est à croire que si on leur eût demandé raison de leur conduite, ils auraient eu de quoi répondre. Quant à moi, interrogé si on a bien fait, je ne trouverais pas de réponse, et c'est pourquoi je n'ai jamais osé faire cela, lors même que je me suis vu en face des plus grands crimes commis contre l'Eglise. Mais si par hasard le Seigneur vous a révélé la justice d'une conduite de ce genre, votre jeunesse et la date récente de votre élévation à l'épiscopat ne me feront pas dédaigner vos lumières; me voici, tout vieux que je suis, prêt à m'instruire auprès d'un jeune homme; évêque depuis de longues années, me voici prêt à m'éclairer auprès d'un collègue qui n'a pas encore un an d'épiscopat : apprenez-moi comment on peut justifier devant Dieu et devant les hommes une peine spirituelle prononcée contre des âmes innocentes pour le crime d'autrui, pour un crime dont on ne naît pas coupable, comme celui d'Adam en qui tous ont péché 1. Quoique le fils de Classicien ait hérité de son père la souillure originelle pour laquelle il a fallu la régénération baptismale, il demeure étranger à tous les péchés que son père a pu commettre depuis. Nul ne peut mettre cela en doute. Que dirai-je de la femme de Classicien ? que dirai-je de tant d'âmes dans la famille ? La perte d'une seule âme d'enfant mort sans baptême, par suite de votre excommunication contre une maison tout entière, serait un plus grand mal que l'expulsion et la mort d'hommes innocents qui auraient cherché asile dans une église. Si donc vous pouvez rendre raison de cet acte, plaise à Dieu que votre réponse nous mette aussi en mesure de le justifier ! Si vous ne le pouvez pas, pourquoi vous laisser emporter au point de faire quelque chose d'injustifiable ?
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Rom. V, 12. ↩