3.
Je crois que vous l'avez un jour entendu de ma bouche, mais, cependant, je vous le redirai. Ma mère m'ayant suivi à Milan, y trouva que l'Eglise n'y jeûnait pas le samedi; elle se troublait et ne savait pas, ce qu'elle devait faire; je me souciais alors fort peu de ces choses; mais, à cause de ma mère, je consultai là-dessus Ambroise, cet homme de très-heureuse mémoire; il me répondit qu'il ne pouvait rien conseiller de meilleur que ce qu'il pratiquait lui-même, et que s'il savait quelque chose de mieux il l'observerait. Je croyais que, sans nous donner aucune raison, il nous avertissait seulement, de sa seule autorité, de ne pas jeûner le samedi, mais, reprenant la parole, il me dit: « Quand je suis à Rome, je jeûne le samedi; quand je suis ici, je né jeûne pas ce jour-là. Faites de même; suivez l'usage de l'Eglise ou vous vous trouvez, si vous ne voulez pas scandaliser ni être scandalisé. » Lorsque j'eus rapporté à ma mère cette réponse, elle s'y rendit sans difficulté. Depuis ce temps, j'ai souvent repassé cette règle de conduite, et je m'y suis toujours attaché comme si je l'avais reçue d'un oracle du ciel.
Plus d'une fois j'ai pensé en gémissant à tous les troubles que font naître parmi les faibles les controverses opiniâtres ou la timidité superstitieuse de quelques-uns de nos frères dans ces questions, qui ne peuvent se résoudre avec certitude ni par l'autorité de la sainte Ecriture, ni par la tradition de l'Eglise universelle, ni par l'intérêt évident des moeurs, mais où l'on apporte seulement une certaine manière de voir, ou bien la coutume particulière de son pays, ou bien encore un exemple de ce que l'on a vu ailleurs, se croyant d'autant plus savant qu'on a voyagé plus loin: alors commencent des disputes sans fin, et l'on ne trouve bon que ce que l'on pratique soi-même.