2.
Je vous ai précédemment demandé quelle serait, selon vous, dans l'avenir, l'éternelle vie des saints; vous m'avez bien répondu en disant qu'on doit s'éclairer encore sur la vie présente; mais pourquoi m'interroger sur des choses que vous ignorez avec moi ou que vous savez avec moi et peut-être mieux que moi? Car vous dites avec grande raison qu'il faut d'abord mourir volontairement de la mort évangélique avant l'inévitable séparation de l'âme et du corps, et qu'il faut mourir ainsi, non point par un trépas réel, mais en se retirant de la vie de ce monde par la pensée. C'est pour nous une vérité simple et hors de toute espèce de doigte, que nous devons vivre dans cette vie mortelle de façon à nous disposer à l'immortelle vie. Mais la question qui trouble le plus des hommes comme moi, qui agissent et qui cherchent, c'est de savoir comment on doit se comporter au milieu de ceux ,où `envers ceux qui n'ont pas encore appris à vivre en mourant, non par la dissolution du corps, mais par un détachement des plaisirs sensuels; car souvent nous croyons que nos efforts pour eux seront inutiles si nous n'inclinons un peu avec eux vers les choses mêmes d'où nous désirons les tirer. Le charme de ces choses vient alors surprendre notre coeur; nous nous plaisons à dire et à entendre des frivolités; au lieu de nous faire seulement sourire, elles, vont jusqu'à exciter chez nous le rire; nos âmes descendent ainsi jusqu'à toucher la poussière et même la fange de ce monde, et notre essor vers Dieu devient plus pénible et plus lent pour vivre évangéliquement en mourant de la mort évangélique. Si quelquefois on réussit à s'élever, on entendra crier aussitôt Fort bien! fort bien! et ce ne sont pas des cris d'homme qu'on entendra de la sorte, car nul homme ne connaît ce qui se remue dans un autre à une telle profondeur; mais de ce fond silencieux de l'âme il s'échappe je ne sais quelle voix qui crie : Fort bien! fort bien! C'est à cause de ce genre de tentation que le grand Apôtre avoue qu'il a été souffleté par un ange 1. Voici comment la vie humaine sur la terre n'est qu'une tentation; l'homme est tenté jusque dans ses efforts les plus généreux pour rendre sa vie semblable à la vie céleste.
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II Cor. XII, 7. ↩