14.
Car s'ils disent que la doctrine de Pythagore n'a pas été toujours ni partout parce que Pythagore n’était qu’un homme, et qu’il n’a pu avoir cette puissance, diront-ils aussi qu'au temps où il vécut et dans les lieux où sa doctrine fut enseignée, tous ceux qui ont pu l'entendre, ont voulu croire en lui et le suivre? C’est pourquoi, si ce philosophe avait eu la puissance de prêcher ses dogmes où et quand il aurait voulu, et,qu'il eût eu en même temps une prescience générale des choses, il ne se serait certainement, montré que dans les temps et dans les lieux où il aurait su d'avance que des hommes croiraient en lui. On n'objecte point contre le Christ que sa doctrine ne soit pas suivie de tout le monde; on sent bien que la même objection pourrait s'adresser aux philosophes et aux dieux; mais que répondront nos païens si, sans préjudice des raisons cachées peut-être dans les profondeurs de la sagesse et de la science divine, et d'autres causes que les sages peuvent rechercher, nous disons, pour abréger cette discussion, que le Christ a voulu se montrer au milieu ; des hommes et leur prêcher sa doctrine dans le temps et dans les lieux où il savait que devaient être ceux qui croiraient en lui 1? Car il prévoyait que dans les temps et les lieux où son Evangile n'a pas été prêché, les hommes auraient reçu cette prédication comme l'ont fait beaucoup de ceux qui, l'ayant vu lui-même pendant qu'il était sur la terre, n'ont pas voulu croire en sa mission, même après des morts :ressuscités par lui comme Je fout aussi .de notre temps beaucoup d'hommes qui., malgré l'évident accomplissement des prophéties, persistent dans leur incrédulité , et aiment mieux résister par des finesses humaines que de céder à l'autorité divine après des témoignages si clairs, si manifestes,si sublimes. Tant que l'esprit de l'homme est petit et faible, il doit s'incliner devant la divine vérité. Si donc le Christ n'a vu qu'une grande infidélité dans les premiers temps de l’univers, quoi d'étonnant,qu'il n'ait voulu ni se montrer ni parler à des :hommes qu'il savait devoir ne croire ni à ses discours ni à ses miracles? Il est permis de penser qu'à ces premières époques tous les hommes eussent été tels., à en juger par le nombre étonnant d'incrédules crédules que la vérité a rencontrés depuis l'avènement du Christ jusqu'à nos jours.
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Dans les lignes qu'on vient de lire, saint Augustin ne parle de la prescience de Jésus-Christ qu'en passant et tout juste pour répondre à une objection des païens; il laisse, évidemment subsister en son entier la question de la grâce. Les semi-pélagiens n'étaient donc pas fondés à s’autoriser de ce passage. L'évêque d'Hippone s'est expliqué sur ce, point dans le chapitre IX du livre de la Prédestination des saints. Saint Hilaire avait averti saint Augustin de cette prétention des demi-pélagiens, comme on le verra dans la lettre CCXXVI. ↩