17.
Vous dites que si, parmi les citoyens de notre patrie terrestre, tous ne sont pas innocents, quelques-uns le sont; mais vous ne le prouvez point, comme vous pouvez le remarquer en relisant ma lettre. En répondant à l'endroit où vous exprimez le désir de laisser votre patrie florissante, je vous disais qu'elle n'avait eu pour nous que des épines et non des fleurs, et vous croyez que j'ai voulu jouer avec des mots ! Quoi ! il y aurait place pour des jeux d'esprit en présence de pareils malheurs! Hélas ! ce que j'ai dit n'est que trop vrai. Les ruines de l'église incendiée fument encore, et nous y trouverions à badiner ! Quoique à mes yeux il n'y ait d'innocents, à Calame, que les absents ou les victimes, ou ceux qui n'ont pu empêcher ces désordres, faute de moyens et d'autorité, cependant j'ai distingué dans ma lettre les grands coupables de ceux qui le sont moins, j'ai fait une part différente à ceux qui ont craint de braver de puissants ennemis de l'Église et à ceux qui ont voulu le mal, à ceux qui l'ont fait, à ceux qui l'ont inspiré: nous n'avons rien demandé contre les inspirateurs de ces déplorables violences, parce que la recherche de la vérité aurait exigé des tortures dont nous repoussons la pensée avec horreur. Selon la doctrine de vos stoïciens, ils seraient tous coupables de la même manière, puisque toutes les fautes sont égales; et la dureté de ce système proscrivant en même temps la miséricorde comme une faiblesse, ne vous réserverait point ici un pardon général, mais une générale et égale punition. Laissez donc le plus loin possible ces philosophes que vous avez invoqués à l'appui de votre cause; souhaitez plutôt que nous agissions comme des chrétiens, et que, selon nos voeux, nous gagnions au Christ les coupables à qui nous pardonnons, de peur que le pardon ne devienne leur malheur. Que le Dieu miséricordieux et véritable vous accorde la vraie fidélité !