23.
Il y a surtout quelque chose de contraire à cette humilité salutaire que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a enseignée par sa propre humiliation: c'est cette science ignorante qui fait que nous mettons notre joie à savoir ce qu'ont pensé Anaximènes, Anaxagore, Pythagore, Démocrite, et d'autres choses semblables; nous voulons passer pour instruits et savants à l'aide de ce qui est si éloigné de la vraie doctrine et de la vraie science. Car celui qui sait que Dieu n'est ni étendu ni répandu à travers des espaces finis ou infinis, de manière à être plus grand dans un lieu et moins grand dans un autre, mais qu'il est partout présent tout entier comme la vérité elle-même dont personne, à moins de folie, ne peut dire qu'il y en a une partie ici et une partie là, et la vérité c'est Dieu même; celui-là s'inquiète peu de ce qu'a pensé de l'air infini 1 le philosophe 2 quel qu'il soit qui l'a regardé comme étant Dieu même. Que lui importe d'ignorer ce que disaient ceux-ci sur la forme du corps ? car ils disent qu'elle est finie de toutes parts. Que lui importe de savoir si c'est pour réfuter Anaximènes, comme académicien, que Cicéron lui objecte que Dieu doit avoir la forme et la beauté, et s'il avait alors en vue une beauté corporelle, parce que Anaximènes avait dit que Dieu est corporel, car l'air est un corps 3; ou bien s'il croyait lui-même à la forme et à la beauté incorporelle de la vérité qui fait la beauté de l'âme et nous sert de règle pour reconnaître les belles actions du sage . de sorte qu'il ne se serait pas borné à réfuter une erreur, mais il aurait véritablement dit qu'il convient que Dieu soit d'une beauté parfaite, parce que rien n'est plus beau que l'intelligible et immuable vérité? Et lorsque Anaximènes dit que l'air est engendré, l'air que pourtant il croit être Dieu, il n'émeut en aucune manière l'homme qui comprend que la génération de l'air, de ce corps produit par une cause et par conséquent ne pouvant pas être Dieu, n'est point comparable à la génération du Verbe divin, Dieu en Dieu, mystère inaccessible à tout esprit, excepté à celui à qui Dieu même l'a révélé. Qui ne voit qu'Anaximènes se trompe, même dans ce qui est purement corporel? Il dit que l'air est engendré et veut que l'air soit Dieu, et il n'appelle pas Dieu celui par lequel l'air est engendré; il faut pourtant qu'il le soit par quelqu'un? En disant que l'air est toujours en mouvement, il ne nous fera pas croire pour cela qu'il soit Dieu; car nous savons que tout mouvement du corps est inférieur au mouvement de l'esprit, et combien ce mouvement de l'esprit est lent si on le compare au mouvement de la souveraine et immuable sagesse !