8.
Si la foi qui nous revêt de piété n'avait pas précédé dans notre coeur ce travail de la raison, avertissement extérieur mêlé à la lumière intérieure de la vérité, et par lequel nous découvrons la fausseté de ces opinions, n'est-ce pas inutilement que le vrai se ferait entendre à nous ? Mais parce que la foi a fait ce qui lui appartenait, il a été donné à la raison de découvrir quelques-unes des choses qu'elle cherchait ; et on doit sans aucun doute préférer à la fausse raison non-seulement la vraie raison par laquelle nous comprenons ce que nous croyons, mais encore la foi même de ce qui ne se comprend pas encore. Mieux vaut croire ce qui est vrai, sans l'avoir vu, que de prétendre voir ce qui est faux. Car la foi a des yeux par lesquels elle voit d'une certaine manière ce qu'elle ne voit pas encore, et par lesquels elle voit avec certitude qu'elle ne voit pas encore ce qu'elle croit. Mais l'homme qui, aidé de la vraie raison, comprend ce qu'il croyait seulement, est certainement plus avancé gaie celui qui en est à désirer comprendre ce qu'il croit; si celui-ci ne le désire point et s'il pense qu'il faille se borner à la foi au lieu d'aspirer à l'intelligence, il ne sait pas à quoi sert la foi; car la foi pieuse ne veut pas être sans l'espérance et sans la charité. C'est pourquoi l'homme fidèle doit croire ce qu'il ne voit pas encore, de façon à espérer et à aimer le voir.