3.
Au milieu de ces tourments et de ces inquiétudes où pas un bon espoir ne me permettait de prendre haleine, voilà que tout à coup et inopinément notre saint fils Pinien m'envoie un serviteur de Dieu ; il vient me dire que Pinien veut jurer au peuple que s'il est ordonné malgré lui, il quittera l'Afrique; celui-ci, je crois, espérait ainsi mettre un terme aux cris du peuple qui pensait bien qu'il ne se parjurerait pas, et qui ne voudrait pas chasser un homme que nous aurions au moins pour voisin. Mais je ne voyais dans un semblable serment qu'un motif nouveau de mécontentement pour le peuple, je ne répondis rien; et comme Pinien me faisait demander en même temps d'aller vers lui, j'y allai aussitôt. II me répéta la même chose, ajoutant ce qu'il venait de me faire dire par un autre serviteur de Dieu, que j'avais rencontré en me rendant auprès de Pinien, savoir qu'il resterait à Hippone si on n'imposait pas à son refus le fardeau de la cléricature. Eu proie à tant de perplexités, je fus soulagé par ces paroles comme on l'est par un peu d'air quand on étouffe; je ne répondis rien, mais je me dirigeai vivement du côté de mon frère Alype, et je lui dis ce que je venais d'entendre. Alype, comme je la crois, désirant échapper à la responsabilité d'une décision qu'il supposait devoir vous être désagréable, me répondit : « Que là-dessus personne ne me consulte. » Je m'avançai alors vers le peuple en tumulte ; le silence se fit, et j'annonçai ce que Pinien promettait sous la foi du serment. Les gens d'Hippone qui ne songeaient qu'à le voir prêtre et ne désiraient que cela, n'acceptèrent pas, contre mon attente, ce qui leur était offert; après s'être un peu concertés entre eux et à voix basse, ils demandèrent qu'il fût ajouté à la promesse et au serment que quand il plairait à Pinien d'entrer dans les ordres, il ne choisirait pas d'autre église que celle d'Hippone. Je me rendis auprès de lui; il y consentit sans hésitation. Je l'annonçai au peuple qui poussa des cris de joie et bientôt demanda le serment promis.