CHAPITRE XI et XII LA SAGESSE INCARNÉE NOUS APPREND A PURIFIER NOTRE COEUR; COMMENT LA SAGESSE DIVINE EST VENUE A NOUS.
11. Nous serions sur ce point dans une impuissance absolue, si la Sagesse elle-même daignant s'accommoder à notre profonde infirmité, ne nous eût donné un modèle de vie, dans une nature semblable à la nôtre. Mais si la sagesse pour nous est d'aller vers elle; elle, en venant à nous, a passé aux yeux des hommes superbes comme ayant fait une folie. Et si nous retrouvons la force en allant à elle, elle, en venant vers nous, a été regardée comme faible et infirme. « Mais ce qui parait en Dieu une folie, est plus sage que tous les hommes, et ce qui parait en Dieu une faiblesse, est plus fort que tous les hommes 1. » Elle était elle-même la patrie, et elle s'est abaissée jusqu'à devenir la voie qui nous y conduit. Partout présente et visible à l'oeil du coeur qui est pur et sain, elle a daigné aussi se montrer sensiblement à ceux dont cet oeil intérieur était malade et souillé. « Car Dieu voyant que le monde avec la sagesse humaine ne pouvait le connaître dans les ouvrages de sa sagesse divine, il lui a plu de sauver par la folie de la prédication ceux qui croiraient en lui 2. »
12. Ce n'est donc point en franchissant les espaces qu'elle est venue à nous, mais en apparaissant aux yeux des mortels sous l'enveloppe d'une chair mortelle. Elle est donc aussi venue là où elle était déjà, puisqu'elle était dans ce monde, et que par elle le monde a été fait. Mais entraînés par la passion de jouir de la créature plutôt que du Créateur, les hommes qui se conformaient à l'image de ce monde, et méritaient ainsi d'en porter le nom, n'ont point connu cette sagesse; de là cette parole tic l'évangéliste : « Et le monde ne l'a pas connu 3. » Ainsi le monde avec la sagesse humaine, ne pouvait connaître Dieu dans les ouvrages de sa sagesse divine. Pourquoi donc est-elle venue là ou elle était, sinon parce qu'il a plu à Dieu de sauver par la folie de la prédication ceux qui croiraient en lui ? Et comment est-elle venue? N'est-ce pas quand « le Verbe s'est fait chair et qu'il a habité parmi nous 4 ? » Quand nous parlons, la pensée intime de notre coeur devient un son, c'est-à-dire la parole sensible qui transmet cette pensée à l'esprit des auditeurs, en frappant leurs oreilles charnelles; et cette pensée néanmoins ne se change pas en la nature de ce même son, mais, conservant toute son intégrité sans aucune trace d'altération ni de changement, elle ne fait que revêtir la forme extérieure d'une voix qui l'insinue aux oreilles. Ainsi en est-il du Verbe divin; sans changer sa nature, il s'est fait chair pour habiter au milieu de nous.
