CHAPITRE XXV. QUEL AMOUR ON DOIT A SON CORPS.
26. Il faut donc prescrire à !'homme la mesure de son amour, c'est-à-dire la manière dont il doit s'aimer, pour que cet amour lui profite; car il y aurait folie à douter qu'il s'aime lui-même et qu'il cherche son propre avantage. Ce qu'il faut aussi lui prescrire, c'est la manière dont il doit aimer son corps; la mesure et la prudence avec laquelle il doit lui consacrer ses soins. Car il n'est pas moins incontestable qu'il aime ce corps et qu'il désire le conserver sain et entier. Or on peut aimer autre chose plus que le salut et l'intégrité de son corps. En effet il s'est rencontré en grand nombre des hommes qui ont supporté volontairement les plus vives douleurs et la perte de quelques-uns de leurs membres, pour obtenir ce qu'ils aimaient encore davantage. Ce n'est donc pas une preuve qu'on n'aime pas le salut et l'intégrité de sur corps, parce qu'on lui préfère un autre bien. Ainsi malgré l'amour que l'avare éprouve pour l'argent, il ne laisse pas que d'acheter du pain, et dans ce but il donne son argent, qu'il aime passionnément, et désire accroître sans cesse; mais il estime encore plus la vie de son corps que ce pain doit soutenir. Il serait superflu de nous arrêter plus longtemps sur une vérité aussi claire, et cependant c'est une nécessité que nous imposent trop souvent les erreurs des impies.
