CHAPITRE XXI. SUPERSTITIONS DES ASTROLOGUES.
32. Mettons encore au nombre des sectateurs de ces dangereuses superstitions les faiseurs d'horoscopes, qui observent les jours de la naissance et sont aujourd'hui vulgairement connus sous le nom de mathématiciens. Ils peuvent sans doute étudier la véritable situation des astres à la naissance de quelqu'un, et parfois la découvrir ; mais c'est une étrange aberration d'appuyer sur cette découverte la prédiction des actions et des évènements de la vie; ils vendent chèrement à la crédulité ignorante un avilissante servitude. Un homme entre chez l'un de ces mathématiciens avec la conscience de sa liberté, et il donne son argent pour savoir au sortir de là qu'il est sous l'esclavage de Mars, de Vénus ou plutôt de tous les astres, auxquels ceux qui tombèrent les premiers dans cette erreur et qui la transmirent à la postérité, imposèrent, tantôt des noms de bêtes, par suite d'une certaine ressemblance, tantôt des noms d'hommes, en l'honneur de quelques hommes. Rien là d'étonnant, puisqu'à une époque encore toute récente, les Romains ont voulu dédier l'étoile que nous appelons Lucifer, à la gloire et au
nom de César 1. Son nom fût peut-être resté à cet astre jusqu'aux âges les plus reculés, si Vénus, son aïeule, n'eût joui avant lui de ce titre; héritage qu'elle n'avait aucun droit de transmettre à ses descendants, puisque, pendant sa vie, elle n'en avait pas eu la possession, ni réclamé la jouissance. Quand on découvrait au ciel un astre non encore consacré à la mémoire de quelque ancien héros, on s'empressait, comme c'est la coutume, d'y attacher un nom illustre. C'est ainsi que le cinquième et le sixième mois ont été appelés juillet et août, en l’honneur de Jules César et d'Auguste. Qui ne sait que longtemps auparavant, ces astres accomplissaient leur course dans les cieux ? Ce n'est qu'après la mort de ces héros, dont la puissance des rois ou la vanité des hommes voulait célébrer la mémoire, qu'on a donné leurs noms aux astres, comme pour les élever jusqu'au ciel. Mais quels que soient les noms que les hommes donnent à ces astres, ils ne sont néanmoins que l'oeuvre de Dieu, qui les a placés dans l'ordre qu'il lui a plu ; leurs mouvements sont soumis à une règle fixe, et servent à marquer la distinction et la variété des saisons. Il est facile d'observer ces divers mouvements à la naissance de quel qu'un, à l'aide des règles découvertes et tracées par ces hommes que l'Ecriture condamne dans ces paroles: « S'ils ont pu avoir assez de lumière pour connaître l'ordre du monde, comment n'ont-ils pas connu plus facilement celui qui en est le Seigneur et le Maître 2 ? ».
