CHAPITRE XXVIII. UTILITÉ DE L'HISTOIRE.
42. Tout ce que l'histoire nous apprend des faits qui se sont produits dans la suite des siècles antérieurs, nous facilite singulièrement l'intelligence de livres saints, alors même qu'on n'y chercherait, dans les écoles profanes, qu'une vaine érudition. Que de faits n'avons-nous pas à déterminer souvent par le moyen des Olympiades et les noms des consuls ? C'est pour avoir ignoré sous quel consulat le Seigneur est né, et sous lequel il est mort, que plusieurs ont cru faussement qu'il avait souffert à l'âge de quarante-six ans; parce que les Juifs avaient dit un jour que l'édification du temple, qui était la figure du corps du Seigneur, avait duré ce même nombre d'années 1 . Le récit évangélique nous apprend qu'il avait près de trente ans à l'époque de son baptême ; quant au nombre d'années qu'il passa ensuite sur la terra, on peut le déterminer, il est vrai, parla suite de ses actions ; mais pour dissiper jusqu'à l'ombre du doute, et établir sur ce point plus de lumière et de certitude, il suffit de confronter l'histoire profane avec l'Evangile. On verra alors que ce n'est pas en vain qu'il a été dit qu'on avait consacré quarante-six ans à la construction du temple. Car, ne pouvant appliquer ce nombre à l'âge du Seigneur, on sera contraint de le rapporter à un mystère caché de ce corps humain, dont n'a pas dédaigné de se revêtir pour nous le Fils unique de Dieu, par qui toutes choses ont été faites.
43. Comme preuve de l'utilité de l'histoire, sans parler ici des Grecs, avec quelle force notre illustre Ambroise ne réfute-t-il pas cette indigne calomnie des admirateurs de Platon, que toutes les maximes de Jésus-Christ Notre-Seigneur, qu'ils sont contraints d'admirer et de publier, ont été tirées des livres de ce philosophe, lequel vivait sans aucun doute longtemps avant l'avènement du Sauveur ? Ce saint prélat ayant découvert dans l'histoire profane que Platon s'était rendu en Égypte, à l'époque même où Jérémie s'y trouvait, a démontré, comme plus vraisemblable, qu'il avait eu connaissance de nos livres saints par l'entremise de ce prophète, et que c'est là qu'il a puisé ces doctrines et ces écrits qu'on admire à juste titre. Les1ivres du peuple hébreu, qui pratiqua par excellence le culte d'un seul Dieu, et dont descend Jésus-Christ selon la chair, existaient bien avant que parut Pythagore même, dont les disciples, assure-t-on, enseignèrent la théologie à Platon. Ainsi en rapprochant les diverses époques, il paraît plus raisonnable de croire que ces philosophes ont tiré de nos livres saints tout ce qu'ils ont de bon et de vrai, plutôt que d'admettre cette insigne folie que Jésus-Christ ait emprunté à Platon.
44. Quoique les choses établies autrefois par les hommes puissent être l'objet d'un récit historique, on ne doit cependant pas mettre l'histoire au rang des institutions humaines, parce que les évènements passés, qui ne peuvent plus n'avoir pas existé, appartiennent à l'ordre des temps dont Dieu est le Créateur et le modérateur suprême. Autre chose est de raconter ce qui est fait, et autre chose d'enseigner ce qui est à faire. L'histoire raconte fidèlement et utilement les faits ; tandis que les livres des devins et tous les écrits de cette sorte prétendent enseigner, avec plus de présomption que de certitude, ce qu'il faut faire et observer.
Jean, II, 20. ↩
