CHAPITRE XXXI. UTILITÉ DE LA DIALECTIQUE.
48. Il nous reste à parler des connaissances qui sont, non plus du domaine des sens extérieurs, mais du ressort de l'esprit, et qui consistent principalement dans la science du raisonnement et des nombres. La science du raisonnement est de la plus grande utilité pour approfondir et résoudre toutes les difficultés qui se rencontrent dans l'Ecriture. Seulement on doit se mettre en garde contre la passion de la dispute et contre la satisfaction puérile de tromper son adversaire. Il y a en effet une foule de ces raisonnements appelés sophismes, dont les fausses conclusions présentent ordinairement un tel caractère de vérité, qu'elles surprennent, non-seulement les esprits moins pénétrants, mais même les intelligences éclairées, pour peu qu'elles n'y prennent garde. Dans .une conversation, quelqu'un s'adressant à son interlocuteur lui dit: Vous n'êtes pas ce que je suis. Ce dernier en convint; et c'était vrai, ne fût-ce qu'en ce sens que l'un était insidieux et l'autre simple et droit. Il ajouta alors : Or je suis un homme. Ce qui lui ayant été accordé, il tira cette conclusion : Donc vous n'êtes pas un homme. L'Ecriture, je crois, a sévèrement condamné ces sortes de conclusions captieuses, quand elle a dit : « Celui qui parle par sophismes est digne de haine 1. » Cependant on regarde aussi comme sophistique tout discours qui, sans être insidieux, sacrifie la gravité à une recherché affectée des ornements du style.
49. Il y a en outre de ces raisonnements où certaines conséquences se tirent logiquement de principes faux et erronés posés par un adversaire. Un homme droit et instruit oppose à son interlocuteur ces conclusions qu'il réprouve, pour le contraindre à abandonner l'erreur dont elles découlent ; car en y persistant, il est forcé d'admettre des conséquences qu'il repousse. Ainsi l'Apôtre ne tirait pas une conclusion vraie en elle-même, quand il disait :
« Jésus-Christ n'est donc pas ressuscité; notre prédication est donc vaine; votre foi est donc inutile 2. » Ce qui est très-faux, puisque Jésus-Christ est réellement ressuscité, puisque la prédication de ce mystère n'était pas vaine, ni la foi des fidèles inutile. Mais ces fausses assertions découlaient logiquement des principes de ceux qui niaient la résurrection des morts. Or, en rejetant ces fausses conclusions, qu'il faudrait admettre si les morts ne ressuscitent, pas la conséquence nécessaire est qu'ils ressuscitent. Comme on tire des conséquences logiques aussi bien de l'erreur que de la vérité, il est facile d'en apprendre les règles mêmes dans les écales profanes. Quant à. la vérité des principes, c'est dans les livres ecclésiastiques qu'il faut la chercher.
