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Ainsi la mission et la fin de toutes les créatures concourent à la beauté de l'univers ; et les détails qui nous font peine s'harmonisent parfaitement dans l'ordre général. En effet peut on juger d'un édifice par un seul de ses côtés, de la beauté d'un homme par sa chevelure, de sa parole par le mouvement de ses doigts, du cours de. la lune par ses phases de quelques jours? Ces sortes de créatures sont placées au dernier rang parce que en elles la beauté de l'ensemble se compose de parties imparfaites; et pour bien apprécier leur mérite, soit dans le repos, soit dans l'action, il faut les considérer tout entières. Appliqué au tout ou à la partie, notre jugement est beau quand il est vrai: il est même supérieur au monde entier, et en jugeant ce monde selon la vérité, nous ne nous attachons à aucune de ses parties. Quant à l'erreur qui s'attache à quelque portion de ce monde, elle porte en elle-même sa difformité. Mais comme le noir donne du lustre à l'ensemble d'un tableau, ainsi l'immuable Providence dispose tellement toute cette mêlée de la vie, qu'elle traite différemment les vaincus et les vainqueurs, les combattants et les spectateurs, différemment encore les âmes paisibles qui ne cherchent qu'à contempler Dieu. Dans tout, en effet, il n'y a de mal que le péché et la peine du péché, c'est-à-dire la volontaire séparation de l'Etre souverain et le supplice involontaire causé par le dernier des êtres, en d'autres termes: la liberté de la justice et la servitude du péché.